DES SECRETS BIEN GARDÉS
Les anciens forestiers
De l’an 0 au IVe siècle :
Bercé paraît être un débris isolé de l’immense “Bois dit des Carnutes” domaine gaulois des Empereurs Romains “l’antique Carnuta Sylva”, attribué au fisc impérial à titre de Res nullius (Bien sans maître). En fait elle fait partie de la forêt des “Aulerques Cénomans”
Les forges se développent sur la forêt, elles cesseront toute activité une fois passé le Moyen Age.
Historique établi par Louis Potel en 1923
Du IVe au VIIIe siècle :
Bercé devient domaine de Clovis et de ses successeurs Mérovingiens (vastes défrichements). Il n’y avait peut-être plus de forêt à l’emplacement actuel…
IXe siècle :
En l’an 877, après Charlemagne, Charles II le Chauve, par capitulaire, rend héréditaire les charges et bénéfices des fonctionnaires royaux ou Comtes “Comes” créant ainsi les fiefs, diminuant le pouvoir royal (par usurpations).
Xe siècle :
“Burceïum”, domaine des Comtes d’Anjou, est dépendance de la terre de Château du Loir (Bercay est un fief vassal situé au Nord-Ouest de la Forêt), au dessus de Marigné.
Gervais II, évêque du Mans, Seigneur de Château du Loir, succède à Gervais Ier.
XIe siècle :
Foulques Néra, Comte d’Anjou concède la partie Est de Bercé à Malleran de Nouâtre. Celui-ci la transmet à Cléopas le dernier de ses fils. Ce nom de forêt de Bercay et de Cléophas perdurera jusqu’au XVIIIe (il figure sur un plan daté 1719).
Cléofas concèdera divers droits d’usage, dont le passage des porcs en forêt à l’abbaye de St Vincent. Mise en place d’un Service Forestier.
Il dispose à cette époque du “Forestage de Bercé” en faveur de deux de ses neveux tourangeaux dont Geoffroy de Sanzay. Les possessions particulières se développent en forêt, créant ainsi des droits d’usage bien souvent abusifs qui ne cesseront qu’au XVIIe siècle.
Période du Moyen-âge 1067/1097:
Gervais II, seigneur de Château-du-Loir, dont l’ascendance est historiquement liée au royaume de France, délègue pour le domaine de Bersay son forestier Foucher.
Il y est question aussi d’un dénommé Hardouin. Un des témoins de cet acte était le forestier de l’époque qui s’appelait Gaubert (Gausbertus). Le texte du Cartulaire de Château-du-Loir porte en effet :
« Testcs sunt isti : Hubertus, ejusdem Cleopa filiu, Gausbertus forestarius ».
XIIe siècle :
La fille de Mathilde de Château du Loir et d’Hélie de la Flèche épouse en 1107 Foulques V (Comte d’Anjou).
En 1113, c’est la réunion des Comtés du Maine et d’Anjou et la naissance de Geoffroy le Bel dit Plantagenet père d’Henri II roi d’Angleterre (né au Mans).
En 1163 : Henri II Plantagenet est le fondateur du Prieuré donné aux moines de l’ordre de Saint Etienne de Grandmont au Nord de la forêt.
Bercé et la seigneurie de Château du Loir, deviendront ainsi Anglaise jusqu’à ce qu’en 1199, Bérengère, veuve de Richard Cœur de Lion cède tous ses droits à Guillaume des Roches (Sénéchal d’Anjou).
XIIIe siècle :
Sa fille en hérite et la transmet à Jeanne qui épousera Jean, (Comte de Montfort)
XIVe siècle :
Leur fille Béatrice épouse Robert IV (Comte de Dreux)
En 1337, Pierre (Comte de Dreux) cède la Forêt de Bercé à Philippe VI de Valois pour 31.000 Livres.
Son fils Jean II le Bon (Duc de Normandie) né près du Mans, la reçoit en apanage. La terre de Bercay est qualifiée de Baronnie. Elle est ainsi distraite du domaine Royal.
En 1346, Philippe VI de Valois prend l’ordonnance de Brunoy qui organise les maîtrises des Eaux et Forêts et interdit la création de nouveaux droits d’usage afin de pérenniser la production de bois de marine (début de la guerre de Cent Ans avec les Anglais).
En 1360, Jean II le Bon lègue à son second fils Louis d’Anjou, la Baronnie.
1371 :« un apellé Robert Macé, nostre sergent de nos forestz dou Chasteau dou Loir » (en vieux français)
1376 : L’Ordonnance de Melun, prise par Charles V le Sage, fils de Jean II le Bon, règle “La matière” des Eaux et Forêts. Elle peut être considérée comme le tout premier Code Forestier.
XVe siècle :
En 1481, après la mort de Charles d’Anjou, la Baronnie retourne à la Couronne avec le Maine et l’Anjou. En 1492, sous Charles VIII, deux Ordonnances attribuèrent la terre de Château du Loir à Giangiacomo Trivulce, maréchal de France, (sous réserve de rachat perpétuel). En fait, elle fut échangée en 1500 à Pierre de Rohan.Jehan de TARDES, maître des Eaux et Forêts du Maine et capitaine de Château-du-Loir, administrait la forêt royale.
XVIe siècle :
Bercé restera ainsi jusqu’en 1563 dans la famille de Rohan, mais fut toujours régie par la maîtrise de Château du Loir qui avait entrepris d’effectuer la première réformation (1526 à 1531). En 1563, Charles IX la rachète aux Rohan : 45.000 Livres et la donne en apanage à sa mère Catherine de Médicis.
En 1574, à l’avènement d’Henri III son frère puîné François (Duc d’Alençon) devient apanagiste de la Forêt.
En 1585, à sa mort, elle revient définitivement au domaine Royal.
XVIIe siècle :
(1667-1669
Colbert entreprend la grande réformation des forêts. Le commissaire enquêteur sanctionnera les abus du maître particulier alternatif : Hilarion de Fromentières qui sera condamné à verser au Roi, le trop perçu des revenus de la Forêt soit : 12.100 Livres (par jugement du 2 juillet 1668). 1669 : premier aménagement de la forêt Royale de Bercé “du 8 au 17 Octobre”.
« 4.243 hectares situés dans un fond très bon pour porter des bois de haute futaie où ils peuvent profiter jusqu’à l’âge de 200 ans … dont 1.000 hectares de bois plus jeunes ruinés par le pâturage, à recéper ».
1669
Conférence de l’ordonnance de Louis XIV du mois d’août 1669, sur le fait des Eaux et forêts. (2) Titre X (p.596 et 597) délits et malversations de René Gaudron & Michel Dupré
Sur le rapport de trois Gardes de la forêt de Bercé dépendante de la
maîtrise de Château-du-Loir: les nommés Christophe DOPTERRE,
Claude RAGUIDEAU et Jean LEMÉE, sergents gardes de ladite forêt,
en auraient fait les perquisitions pour en découvrir les auteurs,
& ayant reconnu que c’était les nommés René GAUDRON & Michel DUPRÉ,
ils en auraient fait leur rapport au sieur d’AVANCOURT (d'HARAUCOURT)
maître particulier des Eaux et forêts de Château-du-Loir, lequel en
aurait informé à la requête du procureur de sa majesté en ladite maîtrise,
& décerné décret de prise de corps contre lesdits GAUDRON & DUPRÉ,
le 23 juin dernier, duquel décret lesdits gardes ayant été chargés
pour le mettre à exécution, & s’étant mis en état d’arrêter lesdits
GAUDRON & DUPRÉ, ils en auraient été empêchés par une rébellion,
& une force majeure ou ils auraient été excédés & maltraités de
plusieurs coups, que les nommés GAUDRON & DUPRÉ avaient commis
plusieurs délits et malversations dans ladite forêt, le maître
particulier en informa à la requête du procureur du roi, et les
décréta de prise de corps….. » « 30 juin, le Maître particulier
a rendu un second décret de prise de corps contre GAUDRON & DUPRÉ
plus une provision alimentaire de 100 livres, mais GAUDRON & DUPRÉ
voulant se mettre à couvert de cette poursuite, ont postérieurement
et par récrimination rendu plainte à l’assesseur criminel du
Château-du-Loir des prétendus excès commis à leur égard par les gardes,
lorsqu’ils voulurent exécuter le décret, sur laquelle ils auraient
obtenu permission d’informer, & une provision alimentaire de cent
livres le 7 juillet en suivant pour le paiement de laquelle lesdits
DOPTERRE, RAGUIDEAU et LEMÉE, ont été emprisonnés dans les prisons
de Château-du-Loir, et leurs meubles saisis & vendus… et fait défense
aux dits GAUDRON & DUPRÉ de faire poursuite ailleurs que par devant
le maitre particulier, sous peine de nullité et 500 livres d’amende,
dépens et dommages et intérêts. »
- Signé, RANСHIN (4)
XVIIIe siècle :
En 1723
Agrandissement de 1.200 hectares de la forêt Royale par l’acquisition des landes de Grammont et de Haute Perche (1727). En 1780 le dernier apanagiste de Bercé est Mgr Le Comte de Provence appelé “Monsieur” futur roi Louis XVIII le Désiré (Il émigra en Juin 1791). 1783 Le Surintendant Chaillou organise l’aménagement et le percement de Bercé. 1791 : Incorporation de la forêt Royale de Bercé au domaine de l’État.
Les sources fiscales enregistrent comme gardes à Jupilles : Hilarion LEPINGLEUX de 1730 à 1750, Jean LEPINGLEUX en 1760, François LEFEBVRE en 1760 et 1770, Jacques BOUVIER et François LEFEBVRE en 1780-1789, Jacques BARRIER et François JOUSSELET, en 1789.
À Marigné, on relève pour cette même fonction, les noms de LEDRU en 1730, CAZAL en 1740 et 1750, Pierre PETIT-PIN en 1760 et Jacques POTTIER en 1770.
Pierre Vérité - 1773.
— Registre des procédures criminelles. —
"Est comparu Jacques FOUQUET de PUISIÈRES, marchand de bois,
demeurant à Salvert, paroisse de Pruillé-l'Éguillé, lequel
nous a dit et déclaré qu'à la réquisition du sieur Pierre VÉRITÉ,
garde-marteau de la maîtrise des Eaux et forêts de cette ville,
il se serait rendu, le dix-sept du présent mois, en cette dite
ville à l'effet de concilier et terminer une instance pendante
en la sénéchaussée et siège royal de cette ville entre ledit
sieur VÉRITÉ et le comparant, en laquelle dite instance messire
de LONGUEVAL était sur le point d'intervenir. Le lendemain dix-huit,
le comparant invita donc ledit sieur de LONGUEVAL de lui faire
l'honneur de déjeuner le jour d'hier, et lui fit part du dessein
dans lequel ledit sieur VÉRITÉ et lui étaient de s'arranger."
"Ledit sieur de LONGUEVAL, ayant promis au comparant de se rendre
à son invitation, ce dernier en prévint le sieur VÉRITÉ,
lui rendit compte de l'entretien qu'il venait d'avoir, ce qui parut
augmenter la joie et sensibilité dudit sieur VÉRITÉ, aussi le
comparant et lui employèrent-ils le reste de la journée à se divertir,
revenir à leur auberge, et, après avoir soupé, ils firent une partie
avec le sieur VITET jusqu'au lendemain matin cinq heures. Le sieur
VÉRITÉ perdait alors environ cinq livres des six qu'il avait gagnées
la veille au dit comparant; cependant il ne put s'empêcher de lui
marquer son mécontentement de ce qu'il se retirait de si bonne heure;
aussi ledit sieur VÉRITÉ continua-t-il de jouer avec ledit sieur VITET
auquel il dit mille choses désobligeantes dudit comparant, à la vérité
en son absence. Sur les neuf heures du matin, ledit sieur de LONGUEVAL
s'est rendu à l'invitation du comparant, qui a eu la satisfaction de
voir son projet réussir, car les parties en se quittant promirent de
s'en rapporter à la décision de leurs conseils et d'en passer par leurs
avis. Après les vêpres, lesdits sieurs VÉRITÉ, VITET et le comparant,
se rendirent au billard de la veuve LEMOINE et y firent plusieurs
parties, pendant lesquelles ledit sieur VÉRITÉ ne cessa de parler de
croc, de sot et de coquin, et tint autres pareils propos non moins
insultants, que ledit sieur VITET et le comparant, qui jouaient contre
ledit sieur VÉRITÉ et le sieur LECONTE, ne devaient pas assurément
prendre pour eux."
"Cependant, à la dernière partie, ledit sieur VITET ne put s'empêcher de
demander audit sieur VÉRITÉ si c'était à lui qu'il parlait; lui ayant dit
que non: c'est donc à moi, repartit le comparant. Oui, répondit le sieur
VÉRITÉ. Alors le comparant lui observa qu'il avait tort, qu'il ne lui
disait rien, et qu'il ne serait pas assez sot pour répondre à ses insultes."
"Le jeu fini, ledit sieur VÉRITÉ fit différents signes au comparant pour
l'engager de sortir, mais il n'y fit pas d'attention. Ledit sieur VÉRITÉ
s'approcha alors du dit comparant, lui marcha sur le pied à différentes
reprises, mais il ne fut pas encore plus satisfait, raison pour laquelle
il se porta à des excès vis-à-vis le dit comparant auquel il donna plusieurs
coups de pied dans le devant des jambes, en lui disant d'un air furieux:
partons-nous, partons-nous, partons-nous."
"Le comparant lui dit alors: "Je sais ce que vous me voulez, mais je ne
veux me venger de vos insultes et voies de fait que par les voies de la
justice". Le sieur VÉRITÉ sortit donc du billard très en colère, et arrivé
à son auberge, il tint même encore des discours injurieux contre l'honneur
et la réputation dudit comparant..."
1768-1770. - Registre des jugements Anne SOTEAU, contre Pierre VÉRITÉ, garde-marteau en la maîtrise particulière des Eaux et Forêts de Château-du-Loir (f° 2)
La conservation générale des forêts
1790 : Elle est créée le 29 septembre et devient autonome le 16 janvier 1801 avec la nomination d’un directeur général. Les maîtrises n’existent plus.
1791, le 13 mars, la municipalité de Marigné établit un certificat de bonne conduite à Jacques COURCITTÉ afin que celui-ci puisse devenir garde de la “forest de Bercé”
1793, Marin GOUTARD, (3) vainqueur de la Bastille, ci-devant garde de la forêt de Bercé au triage et paroisse de Saint-Vincent-du-Lorouër, enrôlé comme volontaire, réclame néanmoins le tiers de ses appointements de garde.
1795, le 14 février mention du garde particulier de la forêt nationale de Bercé : A. TONIN (Le Lorouër)
1799 : Citoyen ROYER, garde marteau, PUCELLE (greffier) et FOUBERT
Autres articles concernant les officiers forestiers :
Chêne Roulleau de la Roussière
Inauguration de l’ancien chêne Boppe
Enquête sur la mort du chêne Boppe
Autres articles concernant les personnels forestiers :
Les travailleurs du 19ème siècle
Bibliographie :
(1) Cartulaire de Château-du-Loir
(2) L’ordonnance des Eaux et forêts d’aout 1669 établit l’arpent forestier de 100 perches et 22 pieds chacune. Contenance de la forêt à cette époque : 6435 arpents. Ref: travaux de Joël Picard. Inventaire sommaire des archives départementales de la Sarthe antérieures à 1790 série B. Almanach national de France: l’an neuvième (1800-1801) de la République Française une et indivisible.
(3) Minutes des arrêtés du directoire des 21 janvier-31 mars 1793. ADS
(4) Extrait du registre du conseil d’état fait au conseil d’état du roi, tenu à Versailles le 15 Août 1687.(1712 - Orthographié en français nouveau)