DES SECRETS BIEN GARDÉS
Vêture, plaques et boutons
1 - Eaux et forêts…..
« Force à la loi »
La seule vue de leur plaque invite à la sagesse d’éventuels saccageurs !
Cette marque distinctive de leur fonction d’autorité fait partie du costume des gardes du domaine ou des gardes particuliers. Dans les textes anciens, les gardes sont désignés comme assistants des officiers des Maîtrises des eaux et forêts mais on ne parlait guère alors de la «vêture» des gardes (leur tenue d’aujourd’hui).
XI° siècle :
Mise en place d’un service forestier sur le « forestage seigneurial de Berçay »
XII-XVI° siècles :
Vers 1291 (date de la création par Philippe le Bel du corps des Eaux et forêts), la livrée est par définition, un vêtement fourni par le seigneur à sa suite, et dont certains éléments, couleurs, galons, boutons, rappelle les armoiries du maître.
Par décret Royal,
« Les sergents de toute nature, officiers publics chargés de l’exécution des décisions de justice, ne doivent exercer leurs fonctions que revêtus de leur manteau bigarré et la verge à la main »
bien entendu, nous ne parlons ici que d’un bâton de bois…!
(Ordonnances sur le fait de la chasse donc des Eaux et forêts de François 1er de mars 1515 et août 1533).
Les gardes sont cités dans l’édit de Charles IX d’août 1573. En 1563, Charles IX rachète Bercé aux Rohan qui deviendra définitivement forêt royale en 1585 …»
Fin XVII° siècle :
« Toutes les coutures des vêtements des personnages, y compris des
gens de service, sont recouvertes de passementeries multicolores
«bigarrées», sortes de galons que l'on retrouve en bordure des
bandoulières (ou baudriers) sur lesquelles sont appliquées les
armoiries princières, brodées ou métalliques. Cette marque,
brodée à l'origine, fut peu à peu et dès la fin du XVIIème siècle,
constituée par une plaque de métal présentant les armes ou armoiries
du propriétaire du domaine sur l'étendue duquel le garde
exerçait son activité. »
1669 :
Dans la célèbre «Ordonnance de Louis XIV sur le fait des Eaux et Forêts du 13 août», au chapitre des « Huissiers-audienciers, gardes généraux et gardes des forêts et des bois », article III, page 39 de l’édition originale, il est fait mention de l’obligation aux gardes de porter « des casaques brodées à nos armes pour les faire reconnaître ».
Les “Maistres” et officiers établis pour commander aux gardes d’une forêt éloignée d’une maîtrise, possédaient quant à eux une tenue verte qui faisait qu’on les surnommait tel l’oiseau forestier « le verdier d’Europe ». Ce nom commun désignant le forestier est aussi à rapprocher à Bercé du toponyme « Segrayer » concernant le canton de Croix Segrier. (cf: Gruerie)
Fin XVIII° siècle,
…et spécialement dès le début de l’époque révolutionnaire.
Il fut admis « … que les plaques ou broderies pourraient être portées sur un brassard, et même remplacées par des médailles à une ou deux faces parlantes appendues au cou.
Les emblèmes royaux, couronne et fleurs de lys demeurent encore en vigueur jusqu’au 20 septembre 1792 (21 septembre : arrestation de Varennes). Certaines plaques, dès la fin du XVIIIème siècle, ont été estampées au moyen de matrices finement travaillées.
Elles sont généralement en laiton naturel, en bronze naturel patiné ou doré. On en connaît en cuivre argenté, en argent et aussi en vermeil ou en corne de bœuf aplanie et gravée (Directoire). Elles adoptent toutes les formes, au gré des régimes politiques successifs. Fleur de lys, coq gaulois, aigle, palmes et bien sur, les légendes s’adaptent aux circonstances :
« la Loi, le Roi », « Force à la Loi », « Respect à la Loi »…
A partir de la révolution la plaque du garde particulier invoque et c’est la règle, la Loi, (le garde est décoré selon le vœu de la loi). Mais nombre d’entre elles porteront encore les armoiries des propriétaires.
« L’Empire a mis en place une Administration très présente avec un symbole fort, celui de l’aigle, avec les mots “ Eaux et forêts” sur les plaques de fonction et sur les boutons. Ces mots avaient été chassés par la Révolution car ils rappelaient trop l’Ancien Régime. »
A la Révolution nous retrouvons le bonnet phrygien surmontant ou non un faisceau de licteur, une pique ou un vieux chêne.
« À la Restauration, les fleurs de lys, symbole de l’Ancien Régime, réapparaissent sous Louis XVIII, mais si Charles X les conserve, -Philippe les abandonne car il veut donner une autre image à son règne. »
C’est la représentation d’une Minerve en pied, puis l’aigle impérial élancé qui firent s’envoler, en 1814, les attributs de la Restauration, à leur tour supplantés par le coq gaulois (imposé à Louis-Philippe), malheureux volatile dont ne voulurent pas les rameaux de chêne de la Seconde République, mis bas par l’aigle (Empire 1852) statique, figé, de Napoléon III, jusqu’au retour des feuillages ornant la dernière plaque de nos préposés, sur laquelle on lit le mot «Forêts», dominant une trompe.
Jean-Claude Chausse, présente dans la parution suivante : Évolution des plaques forestières l’évolution des plaques de baudrier des gardes terrassiers employés aux routes forestières (que l’on nomme aussi gardes cantonniers)
Le bricolage des plaques
De 1792 à 1852
Des modifications ont été faites au niveau local, celui du garde et du triage, ou de la conservation. Elles ne nécessitent le plus souvent que peu de matériel. Un marteau suffit pour mater les mots ou les dessins produits par l’estampage lors de la fabrication de la plaque.
Ces “bricolages” peuvent provenir suite aux changements politiques locaux de prise de position ou de convictions personnelles.
Durant les périodes de changement politique, des modifications ont été faites au niveau local (celui du garde et du triage, ou de la conservation) sur les plaques pour coller un peu plus à la réalité, nécessitant le plus souvent peu de matériel.
À l’instabilité politique qui suivait une période très troublée, celle de la Révolution, répondaient les trois grandes réformes de cette administration, qui désorganisaient probablement les différents services.
L’administration des forêts n’a pas été en mesure de fournir aux gardes les nouvelles plaques correspondant aux sept régimes politiques différents de la première moitié du XIXe siècle…..
L’Empire a mis en place une administration très présente avec un symbole fort, celui de l’aigle, avec les mots “ Eaux et Forêts ” sur les plaques de fonction et sur les boutons.
Ces mots avaient été chassés par la révolution car ils rappelaient trop l’ancien régime.
Ainsi la Vendée va vouloir montrer son attachement à la monarchie et au Roi Louis XVI. Les gardes vont être amenés à effacer certains mots de leur plaque de baudrier :
le mot “ République ” de l’expression “ République Française ”,
le mot “ Nationales ” de l’expression “ Forêts Nationales ”,
Le mot “ Conservation ” mot nouveau qui remplace l’ancienne maîtrise.
XIX° siècle :
Jean Claude Chausse, Jacques PETITFILS, Richard BACCHETTA, aidés des dessins d’Henri BOISSELIER (1881 – 1959) et de Patrick BERTHELOT nous présentent dans les deux exposés joints en PDF,
L’uniforme des forestiers de la couronne aux chasses présidentielles
et
L’uniforme des forestiers de 1830 à 1870.
Code forestier du 28 mai 1827 et ordonnance d’exécution du 1er août: « Les gardes à cheval et les gardes à pied porteront une bandoulière chamois avec bandes de drap vert, et au milieu une plaque de métal blanc portant ces mots : " Forêts royales" avec une fleur de lys ».
« Lorsque ces Messieurs les agents (officiers) reçurent un uniforme au commencement du 19ème siècle, on se contenta (vers 1835) de pourvoir les préposés de l’insigne apparent qui distinguait les dépositaires de l’autorité publique : la plaque. Cette plaque était attachée à une bandoulière à laquelle était suspendu un briquet (sabre court en usage de 1760 à 1830). C’est le costume classique du garde champêtre dans les caricatures de CHAM. Plus tard, la bandoulière prit fin lorsque tout le personnel reçut un uniforme, mais la plaque resta, on ne sait pourquoi, et fut attachée à la bretelle du sac. (Musette de service en cuir…bien entendu).
Les préposés reçurent plusieurs fois l’ordre de porter ostensiblement la plaque dans leurs tournées ». (1)
En 1852 :
Un décret fixe la couleur « vert finance » des uniformes pour les agents des finances (poste, douane, trésor, forêt).
La plaque modèle 1875, dite de la 3ème République est la dernière en service aux Eaux et forêts. Elle fut remplacée après guerre par l’insigne argenté sur patte de cuir.
Désormais ce dernier, appelé écusson, pucelle ou épinglette désigne clairement à son tour la légitimité de celui qui la porte.
1922 :
La plaque reste l'insigne des fonctions des préposés.
Elle est fournie par l'Administration avec le livret.
Le garde entrant n'a rien à rembourser à son prédécesseur pour
la remise de cet insigne. Les autres objets sont achetés et payés
par les préposés. Elle se porte ostensiblement. Il est important
que, dans l'exercice de leurs fonctions, les préposés soient
toujours munis de leur plaque et revêtus de leur petite tenue.
La petite tenue, telle qu'elle a été réglée par un arrêté ministériel
du 25 novembre 1878 (Circulaire. 238), et qui n'a subi depuis que des
modifications de détails, se compose d'une blouse bleue en coutil de coton,
d'un gilet à manches en drap vert foncé, d'un pantalon en drap bleuté pour
l'hiver et en coutil rayé bleu pour l'été, d'un képi souple, identique à
celui de la grande tenue avec cors de chasse sur le képi et d'une cravate
bleue en coton. Les brigadiers portent à leur képi un galon d'argent de
trois millimètres.
Les préposés de tout grade doivent en outre être munis des objets suivants :
1°) Sac de chasse, dit carnier, avec bandoulière en cuir noir.
2°) Plaque, en cuivre, avec l’inscription : Administration des Eaux et Forêts.
3°) Marteau. Le marteau est affecté au triage dont il porte le numéro, mais l’acquisition en est laissée à la charge des préposés, aussi sa valeur doit-elle en être remboursée au garde sortant.
4°) Livret.
5°) Chaîne métrique.
Le port de ce costume et des insignes distinctifs de l’emploi permet de reconnaître la qualité des gardes, et prévient ainsi les violences auxquelles ils peuvent être exposés de la part des délinquants. Les gardes doivent pouvoir à tout moment, exhiber leur plaque portant comme inscription “Administration des forêts” (1850), “Administration des Eaux et Forêts”(1950), “Forêts” (plus tard), ou tout simplement leur commission.
2— Gardes Particuliers…..
« Force à la loi »
Les gardes particuliers ne possèdent pas d’uniforme particulier. Dans les grandes forêts, ils portent fréquemment une tenue de chasse aux insignes du propriétaire et ostensiblement une plaque sur laquelle sont inscrits les mots “La Loi” et doivent être munis de leur commission. Plaques ou insignes peuvent s’accrocher par une pince ou des agrafes à hauteur de la poche supérieure gauche de la veste du garde.
Bibliographie :
« Des plaques de Gardes » par Raymond GAGNEUX (administrateur de la Société pour la protection des paysages et de l’esthétique en France – Paris) publié par La Revue Forestière Française – 1982.
« Insignes et marques distinctives de l’Administration des Eaux et Forêts » Étude de monsieur Louis LAVAUDEN (Nancy. Promotion 1907) publiée par la « Revue des Eaux et Forêts » en 1927.
(1) « Des années entières dans les bois Lozériens » mémoire d’Olivier NOUGAREDE 1985 Laboratoire de l’INRA : les agents et préposés des Eaux et forêts en Lozère du code forestier à la Grande Guerre.
Étude de Jean Claude CHAUSSE : « la reformation des plaques de baudrier des eaux et forets. Question de communication ou affirmation du pouvoir ? » Revue Forestière Française LXII - 2-2010 pages 175 à 178.
Jean-Claude Chausse. L’évolution des plaques de baudrier (suite). La plaque de garde terrassier employé aux routes forestières. Revue forestière française, AgroParisTech, 2013, 65 (3), pp.271-278. ff10.4267/2042/51856ff. ffhal-03447401f
Revue Au Fil du Temps N° 45 & 46 - Pages diverses (Y. Gouchet - 2009/2010)