DES SECRETS BIEN GARDÉS
Droits d’usage
En 877 l’ordonnance de Charles IX prise à Quiercy sur/Oise eut pour effet de rendre héréditaire la charge provinciale de " fonctionnaire royal " - Le fief, symbole de la féodalité au Moyen-âge, se transmet ainsi de père en fils.
Après Charlemagne, le Pouvoir Royal s'amenuise et celui des
Comtes (Cômes) s’accroît.
En 925 le Château du Loir est déjà construit, la terre de Château du loir, située dans la Province du Maine est au XI e Siècle partie intégrante de la Comté (1) d’Anjou.
Bercé, en est le joyau.
La forêt à cette époque est un véritable poumon économique. Le seigneur se doit de règlementer cette activité, au risque de voir sa forêt entièrement pillée et braconnée. Pour conserver son influence et satisfaire la noblesse vassale qui en échange lui rend quelques services ou monte des gardes au château;
Le Seigneur distribue aux fiefs environnants, le droit d’user des “choses” forestières. Les Abbayes profitent aussi des largesses seigneuriales en contre partie du salut des âmes, de leurs ascendants et descendants.
Les bons et loyaux sujets, obtiennent certains droits de seigneurie, de haute et basse justice, de voirie, (droits héréditaires), d’autres dans le même temps les achètent ou les échangent.
Pour contrôler ces droits, le seigneur engage un forestier : Le sergent de la forêt, chargé d’exécuter les directives et de les faire appliquer, de surveiller les cantons défendus, de faire justice, perquisition et de réprimer le braconnage. C’est à peu près à la même époque qu’est crée puis organisée la charge de louvetier pour réguler l’abondance des loups seuls prédateurs avec l’homme.
Les manants ou vilains, sous, et en échange de la protection directe des fiefs riverains de Bercé, sont corvéable à merci.
Ils exécutent pour le compte du château, du manoir ou de l’abbaye, les droits d’usage concédés.
Ils sont bergers, porchers, pâtres et cultivent aussi la terre du Seigneur. Les plus aisés acquièrent leur essart et lorsqu’ils mettent leurs cochons en forêt, s’acquittent de 10 deniers par porc.
Une fois la terre défrichée, ils l’entourent de fossés et peuvent la transmettre eux aussi à leur descendance.
La toponymie nous renseigne sur les cultures pratiquées (ex: Le Pezeray : pois - La Forêt de Bercé ou Cte Forêt Joël Picard 1994).
La réformation des forêts de 1526 à 1531 donne lieu à de nombreux arrêts qui visent en particulier les droits d’usage. Les concessions aux abbayes, prieurés, paroisses, fiefs vassaux sont en effet de plus en plus nombreuses. Cette situation perdurera jusqu’en 1668 date à laquelle Colbert reformera de nouveau l’ensemble des forêts royales.
Droits d’usage dans les Forêts de Bercay et Cloypas
Usage : C'est un privilège accordé par le Seigneur qui pouvait regrouper plusieurs droits
Hors la chasse.
Petit Usage : Droit de prendre tout bois, excepté le Chêne " Vif " pour construire et réparer
les maisons, moulins, échelles, tonneaux, cercles, cuves.
Bois de Travail: Ce droit concerne l’exploitation de bois à merrain (Tonneaux) de mermentage
(Echalas des vignes), cerclage des Tonneaux etc.........
Hébergement : Concerne l'usage " au bois vif " hors les cantons en "défait " pour rappareiller et
maintenir en bon état, abbayes, manoirs, pressoirs.
Chauffage : Droit de prendre le bois tombé à terre ou sec et tous les bois blancs pour le
fonctionnement des fours, tels : saule, érable, bourdaine, aune, tremble, bouleau,
charme sec - branches brisées - droit de ramasser " les loches seiches et les
coupiaux ", le houx, la fougère, le genêt, la bruyère.
( 1331 - 40 charretées de bois pour le chauffage de la Collégiale de Pruillé )
Panage : ou " Parnage ", autorisation de mener les porcs en forêt (en général pas plus
de 60) surveillés par un porcher, hors des cantons défendus, après la glandée
" Segon la coustume de cette Forest " (XIII ° siècle).
Pacage : ou " Paissage de bêtes Ausmailles " - Autorisation de mener les bovins et bêtes
à laine (les chèvres sont interdites) , hors défaits sous la surveillance d'un berger - Les chiens doivent être attachés tout le mois de Mai (durant les nais -
sances du gibier).
Chasse : Le Seigneur se réserve prioritairement la chasse, toutefois certains vassaux,
peuvent obtenir, par grâce le droit de chasse dans tout ou partie de la forêt et
pour certains gibiers.
Aurillerie : ou Abeillage: Droit de disposer des ruches en forêt.
Au Moyen Age, la récolte du miel et de la cire, dans les troncs creux
constituait un bon revenu. On y avait même institué des gardes spécialisés : «Les Bigres» qui étaient des éleveurs d’essaims d’abeilles sauvages
Borrel et Chrestien de Burrau ont l’aurillerie par tote la forest de Burçay et de Cloipas hors Bois Corbon, et ont chacun doze mansais ou premier pasnage. Et poent prenre le seel en cette meinère se le seel sunt en crous de chesne ou d’autre arbre lorillor poent escrouser l’arbre ou des serunt. Et se il ne les poent avoir pour escrouser il poent l’arbre estroissier à doze pié de haut se il ne poent avoir autrement. Et se il trovent aucun enblart ces en la forest cil qui y seront trové feront au signor soixante solz cénomanois d’amende et li aurillior auront lor ces.
Li faie de Burçay ne poent achater poirs à mettre en Burçay à pesson pués la florisso s’il ont poirs de lor norrin. Et se il n’ont poircs de lor norrin, il poent achater doze poircs et un ver pués la florisson, à lor propre usaige sans revendre.
Li faie ne poent mettre pour lou mais ou poircs ou mois de maz ne truies en Burçay n’en Cloipas, ne cheivres nules faix. Et doient tenir lors chiens liez tot le mois de may et ne poent tollir la fougière due à la veille de la Sainct Jehan.*
Se poircs eschapent en Bois Corbon ou ou desfais des Sales ou ez Rous ou ou vié de Poell, la première fais qu’il y seroient pris li porchier jurra lor sainct que il li sont eschapés contre sa volonté et paiera de chacun poirc quatre mansais.
Et se il ne viaut feire le serement, il paiera soixante solz cenomanois, ou li poircs seront au signor. Et se li poircs sont trovez autres fais en quelque manière qu’ilz saient trové, al qui li porch seront, en fera LX cenomanois d’amende, ou li porc seront au seignor.
Se poircs qui sont en Burçay en pasnage s’en vont sans paier le pasnage, celui qui seront li poircs paiera le parnage et fera LX solz cenomanois d’amende. Et se cil puet estre pris qui avoit le pasnage enblé, il sera justitié comme larron. Et se cil meismes qui li poircs sont, enblé le pasnage, son cors sera justicié comme larron, et pert les poircs.
En Cloypas ne puet estre mis nul porch à pasnage due à tant que li pasnages de Burçai sait criez. Et se il y estaient trové entares que li pasnages de Burçay fust criez, chacun ferait soixante solz cenomanois d’amende por ses poircs et rendra le pasnage, ou li poircs remandraient au seignour de la forest. Et se li poircs de Cloypas sont trové en Burçai, li porchiers jurra lors sains la première fais que il li estaient eschapé contre sa volenté, et para de chacun poirc quatre deniers mansais. Et se il ne vaut faire le serement, il paiera soixante solz cenomanois, ou li porc seront au signor de la forest.
*Et se il y sont trové autre fait, il paiera soixante solz cenomanois, ou li porc remaindront au seignor de la forest quittement.
Li homme au chaupistre monseignour Saint Père de la Court dou Mans megnans en la parroisse de Marrigné, qui ont rendu éritaument le fouage as Bons homes de Grantmont, ont pasture à lor bestes en Burçay, hors les quatre desfais, sauf ce que il ny poent mettre chièvre nule fais, ne poircs, ne truies ou mais de may. Et ne puent mettre bestes en Burçay dès quant la glant chiet duque li darraiens pasnages saient passez, fors lors poircs au pasnage paiant. Et icil home ont en ladicte forest la bruère sans fauchier en lou où il a bois et ont la genest et la fueille. Et poent prendre la fogière emprès Sainct Jehan. Et puent trenchier le saule, et la bordaine, emprès pié, et la branche de l’aune, et le tremble, et le charme sec, et le booul sec emprès pié que chargent foulle ne flor. Et poent prendre les arbres arrachiez ou brisiez les branches parciez dou booul. Et poent prendre les loches seiches et les coupiaus.
Li four de Marrigné y a son usage comme li autre home. Et li fourniers puet prendre un furgon à l’usage dou four de trenble et dou bouliou d’une aune. Et se il en portot dous ensemble il en fereit dreit. Et cil fours doit par an dou setiers de seigle en l’erre de Marrigné por l’usage devantdit. Et se aucun de lor homes enporte ou ameine aucun forfaict de la forest, li sergens de la forest pora seue le forfaict due en la rue de Marrigné. Et se il le trove sur l’essiau il le puet prendre et ramener arreres et dretaier à Jupilles ou ou rain de la forest avenaument. Et se il aveneit que celui forfet fust repost en mesons, lidis sergens vendra au sergens aus chanoines et li dira que li face ovrir l’uis de la meson où il quidera que li forfet aura esté repous, et se il ne le viet ovrir, li sergans de Burçai porra brisier l’uis sans mesprendre et prendre le forfeseor due à plaige de drait.
Li home de Sablez qui rend foage à Grantmont ont lor usaige et passaige auxi comme li hommes de chapp[itr]e Saint Père dou Mans.
Paien, le fis feu Robert de la Fousse et ses heirs poent prendre en Bois Corbon et en la forest de Burçay et la bruière, et le genest, et la bordeine, et le hous, tant solement pour l’usage à chaufer les fors dou chasteau, et ardeir aussy tant solement en leur menoir du Goulart.
Item, il ont leur usage au bois vif en la forest de Burçay, hors les desfais tant solement, pour rappareiller et pour maintenir le dict menoir de Gaulart, et le pressoer en bon estat, et les autres chouses doudict menoir de Goulart. Et l’usage au boul en ladicte forest de Burcsay à cercles fere tant solement pour leur toneaus et pour leur cues doudict menair de Goulart demourans en celui menair. Et poent avoir et mettre en la forest de Burçay douze poircs tant seulement chacun an, segon la coustume de cele forest, quites de tout pasnage.
Et ces usages et parnages il ont en ladicte forest par pais et par accort fait entre noble dame Biétrix, comtesse de Dreues et de Montfort, de une partie, et Belot Le Borgain, curator et tutor audict Paennot et à tous ses enfans.
Hier nous parlions encore de pâturage en forêt les années sèches.
Aujourd’hui, nous parlons de cessions et concessions.
Pour aller plus loin dans les conflits d’usage :
Les conflits d’usage de la forêt : l’exemple des forêts Sarthoises par Benjamin Theuleau.
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Autres articles concernant la chasse ou la pêche:
Bibliographie :
Historique de la forêt de Bercé par Potel
(1) Au Moyen Age : Comté était féminin.