DES SECRETS BIEN GARDÉS
Le tramway
Déjà en service depuis le 1er mai 1884 sur l’extérieur du massif, la ligne Le Grand Lucé/La Chartre sur le Loir 17.7km desservira celui-ci sur son flan Est, au niveau des gares de Saint-Vincent et Saint-Pierre du Lorouër.
Le chemin de fer d’intérêt local entre le Mans/Château du loir est une volonté des élus.
13 années de service :
Mon très cher chemin de bois !
Le tacot, ce tortillard, nous pourrions très justement le nommer “chemin de bois” du fait de la présence d’une traverse en chêne créosoté par mètre de voie.
Né d’une idée novatrice, il périt par manque de souffle, chacun voulant tirer la ligne à ses pieds. Pas besoin d’être diplômé pour voir que le plan définitif … n’a rien à d’une ligne TGV.
26 octobre 1903 :
Note de l’inspecteur Roulleau transmise au garde général stagiaire Hermier à Ecommoy qui la transmettra au brigadier Marsac.
*J’ai prescrit au personnel pendant les opérations des coupes dernières à Bercé, de procéder à une enquête relative aux produits que pourrait transporter le nouveau tramway (dont la construction peut être prochaine) soit vers Le Mans soit vers Château du loir.
Je désire que vous et vos gardes ne perdiez pas de vue, cette importante question, dont j’aurai un besoin urgent, lorsque l’étude du tracé sera soumise à notre service. L’enquête doit porter surtout sur les produits fabriqués, tels que sabots, merrains, bois de chauffage, pins ou autres etc.…*
En 1904 :
Plusieurs itinéraires sont proposés (2) qui ne desservent pas les communes de Brette et Pruillé-l’Éguillé.
Pour le tronçon Château-du-Loir/Marigné, il est envisagé de passer par Coëmont, Vouvray, le Port-Gautier, Flée et Thoiré-sur-Dinan, ce qui, en suivant la vallée du Loir puis du Dinan, évite les trop fortes pentes.
Plusieurs variantes au trajet Jupilles-Marigné sont envisagées :
Le projet 1 :
Permet de rejoindre les deux bourgs sans passer par Pruillé-l’Éguillé, mais en traversant la forêt de Bercé par les ronds de la Croix-Marconnay, du Buisson et de la Lune, itinéraire qui doit suivre la route la plus directe.
Le projet 2 :
Diffère à partir de la Croix-Marconnay en empruntant la ligne forestière des Renardières au Pressoir, en passant par les ronds du Pézeray, du Mortier des Clos et des Renardières, la fin du trajet prend enfin la route qui regagne Marigné en venant de St Hubert, ce tracé à l’avantage de desservir le hameau de Laillé.
Le projet 3 : (tracé en marron) :
Mais c’est finalement celui qui prévaudra, afin de desservir le bourg de Pruillé….encore faut il que les Pruilléens montent avec leurs bagages jusqu’à la gare distante de 1,2 km du centre bourg.
21 mars 1904 :
Réponse de François Louis Marsac:
En réponse à la demande du 13 mars courant, demandant mon avis sur l’utilité ou la non utilité de la présence d’un tramway en Bercé, j’ai l’honneur de faire savoir à monsieur le garde général qu’à mon avis, le passage d’un tramway au rond de la Lune même, serait d’une réelle utilité pour le transport des produits de la forêt.
1°) Parce que je crois qu’il aurait pour conséquence, de déplacer la vente locale et d’attirer en plus grand nombre la concurrence des marchands étrangers qui recherchent les beaux bois de Bercé.
2°) Parce que cette concurrence empêcherait les marchands locaux de
chercher à vouloir profiter seuls de l’économie, pouvant résulter de
la différence entre le prix des transports par voiture et par tramway,
ce qui les conduirait, tablant sur cette économie, à acheter plus cher
les produits forestiers pour évincer la dite concurrence.
(C’est d’ailleurs en partie, déjà elle qui fait vendre si bien les bois de Bercé).
3°) Parce que la brigade n°1 (Ouest) qui a de si vastes surfaces repeuplées en “pin sylvestre” est certainement destinée à faire plus tard, de tous côtés des envois considérables de perches de mine etc.… et qu’à ce moment la présence du tramway aura certainement encore une grande influence sur les prix de vente. (Une fabrique de balais se monte actuellement à Laillé)
4°) Parce que les bois de chauffage, qui maintenant se débitent dans le pays à des prix inférieurs à ceux du Mans, pourraient être achetés dorénavant par tous les marchands de cette localité à des prix supérieurs à ceux réalisés aujourd’hui.
5°) Et enfin(mais cette phrase est rayée par Marsac), ceci est peut-être mi-personnel, mi-forestier, parce qu’en passant par Marigné, il va paraît-il avoir pour conséquence d’y faire établir un bureau de poste.
6°) Quant à établir par des chiffres, le bénéfice à espérer, j’avance malgré cela, qu’il m’est impossible de le faire, car on ignore la longueur kilométrique des tronçons, l’emplacement de la gare, la valeur de l’emprise du terrain à faire sur sol forestier, et de plus, il est impossible de prévoir dans quelle proportion se déplaceront les transports par voiture.
2 novembre 1905 :
Le brigadier prend copie d’une note de monsieur l’inspecteur Roulleau concernant les produits que pourrait transporter le nouveau tramway.
26 mars 1907 :
Exploitation de l’emprise :
Communiqué pour son information au garde Silvestre, la décision de monsieur le conservateur, portant : qu’il sera statué ultérieurement sur la destination à donner aux bois qui seront ainsi exploités" Et le brigadier Marsac de rajouter : " Il y aura lieu de les marquer de votre marteau et d’en empêcher tout enlèvement».
13 juillet 1908 :
Les 11,3 km de la ligne Marigné-Jupilles sont déclarés d’utilité publique.
21 avril 1909 :
Note du Brigadier Marsac.
*J’ai l’honneur de faire savoir à monsieur le garde général que les pièces du projet de tramway sont déposées à la mairie de Marigné et que des affiches de monsieur le préfet, invitent les parties intéressées à faire leurs réserves ou réclamations avant le 28 courant, faute de quoi, il sera passé outre en vertu des différentes lois visées.
En me communiquant les pièces (à la mairie) monsieur le maire de Marigné m’a dit, que considérant que le projet de déviation de la ligne du Ronceray, presque impraticable tel qu’il figure au plan, était de nature à faire du tort au bourg en lui enlevant une grande partie de sa circulation venant de ce côté, le conseil municipal allait prendre une délibération pour demander que le pont soit placé sur la ligne du Ronceray, bien plus fréquentée que celle de Croix-Segrier et que ce soit cette dernière qui soit déviée vers la droite, comme la première l’est vers la gauche.
Au point de vue forestier, et de la sortie des grandes pièces sur ce point, je crois que s’il n’y a pas deux ponts, (un sur chaque route) aucune grande charge ne pourra tourner là et c’est une sortie complètement fermée à la Forêt.
15 novembre 1909 :
Début des travaux, les ouvriers du tramway s’activent sur la déviation de Croix-Segrier au rond de la Lune.
6 avril 1910 :
En réunion de brigade, griffage des arbres sur le passage du tramway.
L’emprise se dessine progressivement en forêt, matérialisée par des traits de peinture rouge.
A la Lune, le vieux rougi (peinture du cloisonnement) est enlevé et rectifié en novembre.
18 août 1911 :
Début des travaux de construction du pont sur la ligne du Ronceray.
13 mars 1912 :
Reçu une affiche des bois à vendre sur le tracé du tramway du Mans à Château du Loir.
26 mai 1913 :
Les travaux ayant commencé sur le tronçon Le Mans/Marigné, celui-ci entre en service, mais la guerre éclate et interrompt le prolongement de cette ligne.
27 mars 1917 :
Acte régissant le passage du tramway à Bercé.
Archives de la revue “Au Fil du temps” (Le Grand-Lucé)
26 février 1920 : Arrivée du train en Bercé :
Il faut attendre cette date pour voir la portion Marigne /Jupilles (11.3km) mise en service. Toute en courbes, la ligne Le Mans/Jupilles faisait 45 km mais il faudra bien 3h pleines pour se rendre à Jupilles au cœur de la forêt et autant pour en revenir.
11 mai 1920 :
Note du brigadier Albrecht.
J’ai l’honneur de faire connaître à monsieur l’inspecteur (Potel), qu’il n’y a pas lieu de demander de nouveaux passages à niveau sur le parcours du tramway en forêt de Bercé. En ce qui concerne la bande d’isolement de 1 m 70, les bois sont enlevés, il ne reste par endroit que quelques jeunes pousses de chêne. Il existe un fossé le long de la ligne, mais il n’y en a pas entre la bande et la forêt.
24 juillet 1920 :
Par sécurité, les services des tramways de la Sarthe effectueront le débroussaillement de cette bande d’isolement (peu large).
Madame le chef de gare de Pruillé l’Éguillé
20 juillet 1921 :
Note du garde général Hurteau.
Avec la sécheresse actuelle, seules les locomotives de tramway, pourront faire exception à toutes les interdictions de feu, l’attention des chefs de train et mécaniciens devra être appelée sur l’utilité de fermer les cheminées avec une grille, au moins pour la traversée de la forêt.
15 juillet 1921 :
Pigault reçoit une carte pour voyager à ½ tarif sur les tramways de la Sarthe, entre les gares de Jupilles et la Chartre/Le Mans.
Travaillait sur la ligne en habitant Jupilles en 1921 :
Mary Félix (1875) Chef tramway à Jupilles.
Renaud Charles (1892) Mécanicien du tramway.
Lecomte Anne (1883) réceptionnaire.
Lecomte Gustave (1884) Chef d’équipe.
Tétue Adolphe (1879) employé.
26 juin 1922 :
Ouverture de la ligne Jupilles/Château du Loir : 16,5km
19 juillet 1924 :
Note de l’inspecteur principal des Eaux et forêts au Mans,
A monsieur le directeur de la compagnie des tramways de la Sarthe, au Mans Monsieur le directeur,
J’ai l’honneur de vous signaler l’opportunité qu’il y aurait, selon un assez grand nombre d’intéressés, à établir des arrêts facultatifs du tramway dans la traversée de la forêt de Bercé :
1° Entre les stations de Marigné et de Pruillé-l’Eguillé :
A) - au rond-point du Mai :
B) - en face le hameau du Pau et de
la route forestière du même nom,
près de la limite de la forêt.
2° Entre les stations de Pruillé-l’Eguillé et de Jupilles :
C) – au rond-point de l'Embranchement.
D) – près du Hameau de la Chauvinière,
à la jonction des routes allant
de Jupilles à St. Vincent.
Ces arrêts facultatifs seraient, je crois, souvent utilisés par les gens occupés en forêt et par les touristes ou promeneurs qui sont de plus en plus nombreux en été.
Un essai de ces arrêts en ce moment vous paraîtra sans doute intéressant. La question me semble mériter d’être au moins étudiée, et je me permets d’appeler votre attention à ce sujet. Veuillez agréer monsieur le directeur, l’expression de ma considération distinguée.
Signé : Potel
Communiquée à messieurs les brigadiers n° 1 et 2 pour avis à tous
intéressés qui pourraient peut être appuyer ou faire appuyer ma
demande au directeur de la compagnie des tramways.
(Voir notamment messieurs Bignon, Lempereur etc.),
ainsi que les maires de Jupilles, Pruillé et Marigné.
Signé : Potel
24 juillet 1924 :
Réponse du brigadier Albrecht à cette demande :
Procédé à la reconnaissance et renvoyé à Mr. l’inspecteur principal au Mans en lui faisant connaître que monsieur le maire de Marigné appuiera la demande dans la mesure du possible, en ce qui concerne l’arrêt facultatif du tramway au rond-point du Mai, le seul se trouvant dans la 2ème brigade (Ouest) de Bercé
(la 1° brigade ayant entre temps changé de n°).
Mais il pense que cet arrêt ne pourra pas être autorisé par la compagnie des tramways, car il se trouverait au pied d’une rampe assez dure à monter, sur la ligne de ce tramway dans la direction de Marigné, ce qui occasionnerait une gêne pour l’arrêt et pour le départ des trains. Pareille autorisation n’a pu être accordée pour un arrêt facultatif qui aurait desservi un hameau entre Marigné et Saint-Mars d’Outillé, pour les mêmes raisons.
09 décembre 1925 :
Reçu carte tarif militaire Etat n° 14 et ½ tarif ouest - Etat n° 289.
1926 : Voyage des Bretons à Bercé.
Chronique d’un trajet en tramway
Travaillait comme poseur de voies de tramway en 1926 : Bémolle Henri (1896)
4 janvier 1931 :
Le Collègue Verseau reconnaît et marque de son marteau particulier un hêtre chablis qui a été abattu comme dangereux pour le tramway.
La lenteur des trains était désespérante avec une moyenne commerciale
inférieure à 20 km par heure, cette lenteur étant aggravée par
l'allongement excessif de certains parcours et la multiplicité des
arrêts obligatoires ou facultatifs.
C'était aussi sans compter sur l'incommodité, la malpropreté
repoussante, le bruit insupportable et le manque d'éclairage.
Ajoutons à tout cela que si, par hasard, il y avait trop de
voyageurs, le surplus était obligé de voyager debout sur la
plate-forme, exposé au vent, à la pluie et aux escarbilles
crachées par la cheminée trop basse de la locomotive.
Parfois, quand la pente était trop raide, la machine ne pouvait
la gravir et alors il était conseillé aux voyageurs de
descendre pour la soulager et même payer de leur personne en
poussant le convoi. (1)
Gaston Chevereau (1909-2003) racontait : " La locomotive soufflait,
pouffait, crachait. Dans les montées, lorsque le convoi était
important, elle peinait, avançait au pas. En hiver, si le verglas
recouvrait les rails, elle patinait. Les voyageurs devaient
descendre, marcher et pousser, comme au temps de la diligence"
Leclercq : fait remarquer aux employés de la voie du tramway, qu’il est interdit d’allumer du feu en forêt surtout par la sécheresse actuelle.
Tarifs
1901 : Le Grand-Lucé, la Chartre-sur-Loir (Saint Pierre, Brives, La Chartre) prix 25 centimes. (Tarif spécial pour les gardes en tenue sur le réseau de l’Ouest (Orléans et État) – Albrecht-
1902 : le 18 décembre le billet de Tramway est à 20 centimes (pour les forestiers).
1910 : Chemin de fer et tramway pour Bessé-sur-Braye et Saint-Calais : 1 F 40
15/07/1921 : Le garde Pigault reçoit une carte pour voyager à ½ tarif sur les Tramways de la Sarthe, entre les Gares de Jupilles et la Chartre/Le Mans.
19/03/24 : Trajet train Écommoy/Le Mans, aller et retour : 2 F 70 (Pigault)
8 juillet 1932 :
C’est le terminus pour Le Mans/Château ! …
Le journal de Château-du-Loir annonçait :
Mesures d’économies : Dans sa séance du lundi 4 juillet 1932, le Conseil Général de la Sarthe décide de fermer six lignes de tramways à vapeur : Foulletourte/La Flèche, Mansigné/Mayet, Jupilles/Château-du-Loir, La Ferté/Montmirail, Fresnay/Alençon et Montbizot/Ballon.
La section Le Mans/Jupilles sera définitivement fermée le 1er janvier 1933, le train s’arrêtant à Marigné.
14 mars 1933 :
Dernière mention sur le Tramway.
1934 et 1935 :
Les forestiers reçoivent encore les cartes ½ tarif pour le service sur les réseaux : État et Orléans.
La section Marigné/Brette les Pins sera définitivement fermée le 1er juillet 1935.
La section Brette les Pins/Le Mans sera définitivement fermée le 6 août 1944 (1).
Et la section Le Mans/La Chartre le 1er mars 1947.
Les cartes de circulation ½ tarif seront supprimées le 17 mai 1946.
1939 :
Les rails ne seront démontés que plus tard, car en 1940 et février 1941, le reste des rails est transporté par camion, quelques-uns serviront à renforcer le virage de la Coudre, d’autres seront utilisés ailleurs, comme par exemple en poutraison au restaurant de l’Hermitière.
Autres articles concernant les voies forestières:
Les cartes pour se rendre à Bercé
Pages en rapport avec le tourisme sur Bercé
La forêt, l’Homme et Bercé (vidéo)
Bibliographie
(1) Lionel Royer : Le Tortillard Entre Le Mans et Château-du-Loir, Une des lignes du chemin de fer d’intérêt local sarthois. (Club d’histoire locale de Château-du-Loir) mars 2003)
(2) Archives O.N.F et tradition orale.
Revue “Au Fil du Temps” N° 42 pages 16 à 18 du 31 janvier 2009 (Y. Gouchet)
L’Ouest-Éclair du 25 juin 1926