DES SECRETS BIEN GARDÉS
Sylviculture
A propos
Jacques Lacarrière disait de nos forêts :
…Depuis des siècles, les arbres sont davantage l’œuvre des hommes que celle de la nature … … Ce sont nos enfants de verdure.
Une sylviculture respectueuse de l’environnement et du rythme séculaire de la forêt.
En forêt de Bercé, les règles de culture font l’objet de soins constants de la part de l’ensemble du personnel de l’Office national des forêts.
Les forestiers interviennent tout au long de la vie des peuplements pour façonner une forêt apte à vous accueillir.
Une forêt de rapport.
Le choix de l’arbre à sauvegarder est le principe même de la sylviculture. Savoir jongler avec les défauts des arbres… c’est tout l’art du forestier. Voici un résumé photographique des divers défauts de nos arbres.
Inluence fongique et bactérienne
Inluence bactérienne et stress
Et pour en savoir un peu plus sur les diverses pourritures, qui risquent avec le changement climatique de revenir durement sur le devant de la scène.
Les pourritures du bois de chêne sur pied
Une sylviculture moderne
Le concept de la sylviculture basé sur la sélection d’arbres d’avenir ou objectif sur lesquels est concentrée la production de gros bois de qualité, s’est développé dans la première moitié du XXe siècle.
Yves Bastien, Georg Joseph Wilhelm (Revue Forestière Française -2000)
Une sylviculture d’arbres pour produire des gros bois de qualité.
Réflexions et avis de Rémond Lorne.
(Initiateur en France de la méthode actuelle dite des arbres objectifs avec l’aide conséquente de Robert Calvel sur le terrain)
« ….Quel devrait être le rôle du forestier tout au long de la longue vie de ces futaies. Pour obtenir en final de gros arbres, de très belle qualité, c’est-à-dire du tranchage, je préconisais de désigner vite un certain nombre de beaux pieds à l’hectare, et de dégager énergiquement toujours les mêmes, ceux-là qui allaient jusqu’au terme du peuplement. Je terminais en disant que cela devrait faire l’objet d’une étude chiffrée qui me paraissait indispensable. Ainsi, j’étais amené à constater que tout n’était pas parfait dans nos forêts domaniales, comme cherchait à m’en convaincre Viney, et ceci même dans nos magnifiques futaies de chêne de l’ouest. Ainsi les régénérations (remplacement des vieilles futaies par semis naturel) étaient trop souvent médiocres, ronces ou fougères prenant le dessus, l’homme n’intervenait pas assez faisant trop confiance à la nature seule ; c’était d’ailleurs l’un des axiomes de la sylviculture française et c’était devenu l’excuse parfaite à la paresse, si naturelle, justement, à l’homme … Mais aussi, au bout de 240 ans, c’est à ce terme que l’aménagement de Bercé prévoyait le remplacement des peuplements, les arbres étaient encore de faible diamètre, parce qu’il ne leur avait pas été réservé assez de place pour pouvoir grossir et donc que les éclaircies successives qu’on y avait pratiqué au cours de leur vie, n’avaient pas été assez énergiques et aussi que les marteleurs, d’une fois sur l’autre, n’avaient pas la continuité nécessaire pour favoriser toujours les pieds qui devaient subsister jusqu’au terme, 240 ans …c’est long … Ces faibles diamètres en final, avaient une répercussion très importante sur la rentabilité de la forêt. Peu de pieds pouvaient être utilisés par l’industrie du tranchage (fines lamelles pour contre-plaqués) alors que la valeur des pieds à tranchage, les gros, était jusqu’a dix fois supérieure à celle des petits… ! Tout cela mijotait dans ma tête et m’amena finalement à rédiger un article destiné à la Revue Forestière Française. C’était au printemps 1956, à la fin de mon règne seul à l’inspection du Mans…».
Voici un autre article de Rémond Lorne paru en 1959 dans le n°11 de la revue forestière Française aux pages : 746 à 768. Cet article augure des prémices de la méthode intitulée des arbres d’avenir qui fut aussi nommée tour à tour méthode des arbres d’élite, de place, objectif…
Étude quantitative sur les éclaircies dans les peuplements de chêne de qualité
Un visionnaire au Danemark
Au printemps 1958, lors d’une mission à l’étranger, Rémond Lorne note :
“les Danois ne barguignent pas avec le travail. Ce que je voyais là, la nature assistée d’un intense travail humain, dépassait encore mes conceptions et pour le chêne, ce que j’étais entrain d’imaginer, existait déjà, en forêt privée, j’y vis des “chênes d’avenir” ceinturés de rouge, si bien éclaircis qu’ils étaient gros relativement jeunes.
En gros, les chênes à l’époque, avaient un “accroissement annuel moyen” (le «cerne” que l’on voit sur une souche ou une bûche) de 1,6 mm et je proposais de le porter, à 2 mm ce qui correspond encore à un tranchage de grande classe et ce, en 200 ans au lieu de 240 ans. Mais, au lieu de 110 chênes à l’hectare en finale, il n’en fallait que 60, désignés jeunes comme “arbres d’avenir”, cerclés à la peinture tout le long de leur vie, pour que les éclaircies soient toujours effectuées énergiquement à leur profit….. »
A l’inspection du Mans avec M. de Moustier(1956-1960).
C’est l’époque où Rémond Lorne fait paraître des articles
sur la sylviculture des futaies de chênes :
>«A la recherche de la qualité et des gros diamètres
dans les futaies de chênes» (Revue Forestière Française 1956).
>« Étude quantitative sur les éclaircies dans les futaies de chênes »,
publié en 1959.
>« La sylviculture de l’avenir » est parue en avril 1961.
Chargé à la conservation du service de la forêt privée,
de la chasse et de la pêche .
De 1960 à 1963 il est attaché au conservateur au Mans.
La conservation, à l’époque, couvrait la Sarthe,
la Mayenne, le Maine & Loire et l’Indre & Loire.
Il lui appartenait donc, au nom du Conservateur,
d’agir auprès des inspections. Le *"pivot"* de son personnel
était Madame Robert, secrétaire (veuve de cheminot)
toujours très appréciée. Rappelez vous, elle était présente
lors de l’arrestation de Georges France Muriel au siège de
l’inspection qui était alors rue du Port.
De 1964 à 1969 il fut conservateur puis directeur
régional de l’Office National des Forêts. Il prendra sa
retraite à 55 ans pour créer un cabinet d'expertise
forestière que Fabien son fils, et Edward,
son petit-fils, gèrent aujourd’hui.
En 1975
Dans le n° XXVII- 1 de la Revue Forestière Française, aux pages 50 à 60, François-Xavier Roy étudie La désignation des arbres de place dans les futaies de chêne destinées a fournir du bois de tranchage
De nos Jours, grâce à une Sylviculture de pointe, et à ses bois de qualité, Bercé reste un des phares de la Forêt Française, attirant sans relâche quantité de Congressistes .
En 1837, le forestier Adolphe Parade, alors
à la tête de l'École nationale des eaux et forêts,
prestigieuse école forestière de Nancy, de
1835 à 1864 déclame sa définition de la sylviculture :
... "Imiter la Nature , hâter son œuvre"
Bien avant le Grenelle de l'environnement,
les forestiers de Bercé avaient pris conscience
de ces enjeux. Cette définition de la Sylviculture
moderne, garde encore aujourd’hui tout son sens.
La partie cultivée en chêne
est assez bien équilibrée en classes d'âge.
On recense à Bercé 3000 ha de chêne rouvre, dans la partie historique de la forêt, dont l’âge d’exploitabilité est actuellement fixé à 180 ans.
Le hêtre se taille la part du pauvre en étant sans arrêt cantonné au rôle de sous étage.
Pour maintenir cet équilibre (selon le dernier aménagement approuvé), il est nécessaire d’exploiter 1/180° de la surface, soit 16,66 ha chaque année. Les vieux arbres arrivés à maturité ensemencent le terrain avant de disparaître progressivement,pour laisser place aux jeunes semis. Les régénérations courent sur environ 10 ans, mettant à nu 166 ha de peuplement.
Le hêtre est bien présent en sous étage, mais jusqu’à quand avec le réchauffement climatique qui s’intensifie. Bercé, était il n’y a pas si longtemps, une magnifique hêtraie !
La partie cultivée en résineux est moins équilibrée.
2400 ha de résineux, surtout des pins : pin maritime, pin sylvestre, pin Laricio de Corse, exploités à 60 ou 100 ans et des plantations de Douglas émaillent le paysage. Des châtaigniers, quelques chênes et hêtres préexistants survivent sur ces anciennes landes.
Les dernières tempêtes ont mis à mal cette partie aux vents dominants. Les forestiers entreprennent avec audace, la restructuration de ces peuplements fragilisés, dans le respect total de la biodiversité.
Bercé: une gestion raisonnée
Changement des mentalités dans notre société d’après-guerre : Un sentiment écologique plus fort qu’auparavant.
Travaux forestiers.
Les pépinières ont quitté la forêt pour des raisons de coût dans un premier temps, puis sanitaires dans un deuxième temps. Les travaux mécaniques sur les sols limoneux sont aujourd’hui, réduits au minimum, afin d’éviter toute évaporation et exportation d’eau utile.
Il n’y a donc plus de crochetage (1) avant glandée. Les cloisonnements d’exploitation pour acheminer personnes et véhicules sont systématiquement implantés dès le jeune âge permettant ainsi de réduire considérablement le tassement anarchique de nos limons fragiles.
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Quand un sol limoneux est tassé, les dommages en sont irréparables.
(1) crochetage : travail superficiel du sol destiné à favoriser la régénération. (voir photo d’en tête : crochetage du sol dans les Hirondelles en 1953)
Désormais on bâtonne mécaniquement la fougère. L’éradication de tous produits chimiques est de rigueur. La dynamique sylvicole actuelle offre au gibier un gagnage supplémentaire non négligeable et permet de fait, l’accueil d’une certaine faune. Cela est un point encourageant pour nos générations futures.
L’aménagement prévoit le respect de la biodiversité naturelle et culturelle, ainsi les fauches tardives permettant aux orchidées de s’exprimer sont aussi importantes que la localisation des vestiges archéologiques. La protection de ces vestiges est une nécessité absolue et un enjeu pour la forêt de demain. N’oublions pas que nous n’hériterons jamais d’une forêt comme Bercé, nous l’empruntons humblement à nos enfants et petits enfants.
Feu.
Les rémanents ne sont plus incinérés depuis 1997 :
la matière organique revient enfin à l’humus du sol.
L’apport de feu est strictement prohibé en forêt.
La mise à feu c’était aussi l’apport de matières
polluantes (huiles de vidange, pneus) et l’éradication
des insectes, champignons, bactéries,
par décapage ou brûlage de la matière vivante des
horizons superficiels du sol, ainsi que la
participation active au phénomène de l’effet de serre,
sans compter une minéralisation subite de
l’humus du sol et donc son appauvrissement.
Bref, l’exemple à ne pas suivre !
Extractions.
Il n’y a plus d’extraction d’aucune sorte : pierres, mousses et houx. Le houx (particularité de Bercé) a été systématiquement extrait lors des régénérations, au début du siècle dernier. Le milieu est aujourd’hui ainsi préservé de toutes agressions.
Systématiquement, des arbres secs sont conservés sur pied ou à terre dans toutes les coupes, et les souches ne sont plus arrachées. L’entomofaune n’en demandait pas tant. Le classement de certaines parties de forêt en Natura 2000 est de nature à inciter les forestiers à une très grande vigilance.
Durée de révolution.
Seul bémol, mais de taille, la durée de révolution a baissé…
De 220ans maximum en 1987 elle est passée à 180 ans en 2007.
Le climat se modifie et devient plus chaud, les arbres poussent donc plus vite et nos chênes, desserrés au maximum n’en seront ainsi que plus gros mais moins hauts. La prise au vent s’en trouvera améliorée et les tempêtes seront peut-être moins catastrophiques. À voir sur le long terme cet effet à double tranchant.
Souplesse de la génétique des chênes
La génétique des chênes en forêt de Bercé.
Les populations de chênes sessiles (Quercus petraea),
prospérant depuis des siècles en forêt de Bercé
présentent une diversité génétique remarquable.
Cette diversité est cruciale pour la résilience de
la forêt face aux changements climatiques,
aux maladies et aux ravageurs.
Les études génétiques d’Alexis Ducousso
(Ingénieur de recherche à l'Inrae Bordeaux-Aquitaine)
montrent que cette diversité provient de plusieurs facteurs :
Les chênes de Bercé sont adaptés aux conditions climatiques
et pédologiques de la région.
Des études de génétique adaptative montrent que ces arbres
possèdent des allèles spécifiques qui les aident à mieux
résister aux conditions locales, comme le type de sol
(souvent acide et pauvre en nutriments) et le climat
(tempéré mais avec des périodes de sécheresse).
Ils sont issus génétiquement de trois parentalités
(celle des chênes pubescents, pédonculés et sessiles)
D’origine Hispanique les chênes de Bercé se montrent
aussi en plantation comparées… plus performants.
Ces caractéristiques biologiques et génétiques les aident
à survivre et à prospérer dans des conditions de faible
disponibilité en eau.
Ils illustrent la capacité d’adaptation de la nature
face aux contraintes environnementales.
Le changement climatique est bien présent
Le site « Conséquences » souhaite partir de la réalité locale et de la manière dont les événements de plus en plus ravageurs touchent nos territoires pour mieux comprendre comment préserver et faire évoluer notre quotidien. Julien Helaine questionne Jean-François Clémence sur sa vie passée en forêt, durant plus de 40 ans !
https://consequences-france.org/
A l’écoute de 3 Forêts d’Exception
Bercé, Tronçais et la Sainte-Baume
Rejoindre la page facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=61553948515823
(Prise de vue : Julien Helaine - Conséquences /novembre 2023)
Libre expression
En temps qu’ancien forestier en forêt de Bercé de 1980 à 2014,
j’ai été très heureux de travailler dans un massif forestier
d’exception, jusqu’au jour où la révolution (durée de culture)
des peuplements feuillus est passée de 240 ans à 180 ans.
Jusqu’à ce jour la forêt de Bercé était bien une
FORÊT D’EXCEPTION,
maintenant elle est une forêt moyenne cultivée selon
des normes moyennes qui s’appliquent à toutes
les forêts du bassin ligérien.
Un livre traitant de la sylviculture du chêne a été
produit par l’ONF, il était écrit que l’objectif
était le diamètre 80 cm et le choix
pour Bercé à été de 70 cm.
Pour ne pas effrayer le public, on a maintenu
4 parcelles à 240 ans, elles seront bientôt bonnes
à exploiter, le temps passe pour elles aussi.
L’augmentation des surfaces en régénération et
les volumes récoltés posent question lorsqu’on
se crée un label d’exception.
Lorsque l’on possède un si beau massif, qui pour
l’instant ne montre pas de signes de dépérissement,
avec un sol moyen et une pluviométrie relativement bonne
pour les essences en place, je ne comprends pas que l’on ne
fasse pas d’exception quand à la durée de culture,
ici c’est le temps passé qui détermine le diamètre des arbres……
Bien sûr, vous n’y êtes pour rien,
ni les collègues qui nous ont remplacés.
Bernard.
(Propos recueillis le 10 mai 2023)
Des îlots de sénescence ont été créés qui répondent aux besoins de l’avifaune.
La durée de révolution sur quelques îlots de vieillissement mûrement choisis est accrue. Des arbres remarquables sont aussi sauvegardés çà et là, pour le plaisir des yeux et en témoignage du passé. Les zones humides ne sont entretenues. Des mares sont créées ou rafraîchies pour permettre à l’herpétofaune de se développer et à la faune de s’abreuver.
La forêt a son rôle à jouer dans la limitation des crues et la filtration des eaux. Les eaux de pluie ne doivent pas s’empresser de gagner les lits des rivières mais rejoindre le sous-sol pour le bien commun.
Autres liens concernant les moyens d’exploitation de Bercé
Bibliographie :
Archives famille Lorne
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)