DES SECRETS BIEN GARDÉS
la saboterie
A propos
La saga du sabot
Les sabots ont été portés par un très grand nombre de personnes
- surtout dans le monde rural - jusque dans les années 1950. Arrive alors la botte qui détrône cette chaussure de bois et anéantit le métier de sabotier. On a compté jusqu’à trois sabotiers au Grand-Lucé, le dernier étant M. BINET en retraite depuis 1970.
Monsieur BINET était né à Villaines-sous-Lucé en 1905, de parents agriculteurs. Son père mobilisé en 1914 devait être tué au front en 1915. Il resta donc seul avec sa mère, étant enfant unique.
À 14 ans, il dut apprendre un métier et sa mère le plaça apprenti chez son oncle qui était sabotier, route du Mans et employait à cette époque 4 ouvriers.
C’était un dur métier. On le mit à creuser des sabots à la cuillère. C’était le travail le plus difficile et le plus fatiguant. Il creusait 3 paires de sabots par jour et pour ce faire, il ne fallait pas avoir les deux pieds dans le même sabot ! Le soir l’épaule droite était bien douloureuse.
L’apprentissage fut très rude : à cette époque, il creusait 10 heures par jour pour un bien maigre salaire. Il resta chez son oncle jusqu’à la guerre où il fut prisonnier. Hospitalisé, il fut rendu à la vie civile en 1943. C’est à son retour qu’il prit la succession de son oncle. Il s’installa route du Mans en 1948 avec sa femme. Mais déjà la fabrication des sabots commençait à décroître et il travaillait seul.
C’est alors qu’il décida d’acheter une tailleuse et une creuseuse pour avoir moins de mal et augmenter le rendement.
La tailleuse est une machine qui, à partir d’un modèle de sabot de bois dur et rigoureusement poli, en fabrique automatiquement la réplique dans le matériau choisi. C’est une sorte de machine à reproduire dotée d’un palpeur qui suit les reliefs du modèle et d’un outil qui taille la pièce de bois en suivant la forme extérieure de l’original.
La creuseuse, elle, donne au sabot son relief intérieur, de la même façon.
C’est à partir de 1954 que la crise du sabot s’accentua d’année en année et monsieur BINET resta le seul sabotier du canton pendant environ 10 ans. Les clients venaient de loin acheter 4 ou 5 paires de sabots à la fois pour en profiter toute l’année. À 14 francs la paire, le chiffre d’affaires n’était pas bien élevé. En 1956, le couple BINET s’installe rue Léon AUBERT où monsieur pratique son métier pendant que madame travaille au centre médical afin qu’ils puissent vivre décemment.
Après la guerre, notre sabotier utilisait de 10 à 12 mètres cubes de bois. En été, il travaillait le bois vert (bouleau, hêtre, aulne) : il le débitait en parallélépipèdes rectangles, le dégrossissait à la hache et ébauchait les sabots à la lame. Ensuite venait la « creuse ». Ces sabots inachevés étaient alors stockés pour le séchage.
Mme BINET nous a montré un grand carton
rempli de galoches toutes neuves.
Commandées pour la rentrée des classes
en 1949, elle pensait bien les écouler
en quelques semaines pour chausser les
enfants du Grand-Lucé.
C’était sans compter sur le maître d’école
de la commune qui, las du bruit des semelles
de bois dans sa classe exigea des parents
qu’ils dépensent une partie de leurs allocations
familiales à l’achat de chaussures moins bruyantes,
à semelles de caoutchouc, par exemple.
Et c’est ainsi que depuis 1949, une caisse
de galoches est restée sur les bras de
notre commerçante …
Le sabot à collet est le plus communément chaussé par les hommes au travail. En bois tendre et léger l’été, on enfile l’hiver un sabot à collet de bois dur et lourd, parce qu’il est plus chaud et plus étanche. Des semelles de paille ou de papier permettent d’éponger l’humidité éventuelle. Le sabot à bride ou cossin était décolleté pour assouplir la bordure du sabot remplacée par une bride de cuir décorée ou nue selon que le porteur était de sortie ou non.
Puis la galoche plus chic, avec sa semelle de bois et le dessus en cuir noir ou bruni. On la réservait pour aller en ville … Au travail, les Lucéennes portaient des sabots à bride (avaient-elles les pieds plus fragiles que ces messieurs ?) et le sabot découvert, avec une bride, la fameuse « Marie-Christine » ! Pour abriter ces petites choses délicates que sont les petons féminins, une savate à semelle de feutre évitait le gros rhume à ces représentantes du sexe faible … Pour l’hiver, la « midinette », galoche fermée, donc plus chaude, couvrait ces sensibles extrémités féminines. D’un rang social plus élevé, le dessus de votre sabot se devait d’être sculpté d’une fleur entourée de motifs géométriques, prouvant ainsi votre souci d’élégance. Les enfants, eux, portaient des galoches à tige haute ; semelle de bois, mais dessus de cuir : c’étaient les « galoches montantes ».
On ne s’improvisait pas marcheur avec des sabots (dondaine), car souvent les débutants « se cousinaient », se blessaient les chevilles. Les sabots, chauds et secs l’hiver, évitaient au nez sensibles du voisinage, d’humer les odeurs si particulières des pieds transpirants. Il existe encore des inconditionnels du sabot : j’en connais un à Marigné-Laillé qui, en 2004, enfile quotidiennement ses sabots à collet. Il est surnommé «Sabots-de-Bois».
Quelques chiffres sur Jupilles
(Liste non exhaustive)
Au début du 20ème siècle, plusieurs familles vivaient du sabot, surtout sur Jupilles. Aujourd’hui encore le foyer rural continue de faire perdurer la transmission de ce savoir.
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Autres liens concernant les moyens d’exploitation de Bercé
Les bûcherons](https://www.foret-de-berce.fr/articles/bucherons/)
Bibliographie :
Dossier « Au Fil du Temps » préparé par Roxane Dairon ( n°25 pages 8 à 10)