DES SECRETS BIEN GARDÉS
L.I.D.A.R.
A propos
à propos des découvertes archéologiques
La forêt n’a pas toujours été là …
Et elle n’est pas naturelle car entièrement façonnée par l’homme.
La forêt est riche en éléments archéologiques et les sites présents sont très bien conservés. Si nous retrouvons des vestiges archéologiques en forêt, c’est parce que la forêt est un milieu qui préserve et conserve très bien ce patrimoine. L’érosion des sols y est moins importante qu’en milieu ouvert et les actions de l’homme liées à la gestion forestière sont bien moins perturbatrices que dans les champs ou en milieu urbain.
Les sites sont donc conservés sous forme de reliefs (levées de terre, buttes, fossés voire murs). Par ailleurs, la forêt n’a pas toujours été là.
Elle a bougé dans le temps et dans l’espace. Cela explique que nous ayons d’anciennes occupations humaines situées sous les racines des arbres.
Dès 1995,
J’avais entrepris des recherches archéologiques sur le terrain.
Sur renseignement des collègues ou durant les virées de martelage, parcourant les parcelles forestières pour y noter la présence des mines, mortiers, tumuli, marnières, ferriers, camps anciens , souterrains, enclos, mares, lavoirs fossés anciens, détectés nous avons au fil du temps collecté tout un tas d’informations sur la présence de ces vestiges du passé…..
La forêt est en effet un milieu fermé et opaque, qui ne permet pas aux archéologues la même aisance dans les prospections.
Mais, les méthodes que j’avais employées étaient guères scientifiques, réalisées sans instruments et trop rudimentaires.
Sans rigueur scientifique….les plans et positionnements des éléments étaient plus ou moins justes….et ne pouvaient donc être pris en compte par le S.I.G. (Système d’Information Géographique)
En 2007,
La forêt domaniale de Bercé a été retenue comme site pilote dans la démarche “Forêt patrimoine" désormais appelée “Forêt d’exception”.
La politique initiée par l’Office National des Forêts (O.N.F.), a pour objectifs de valoriser des forêts domaniales remarquables et de les inscrire dans une dynamique territoriale.
Bercé, tout comme 14 autres forêts domaniales, a été retenue en partie compte tenu de sa haute valeur patrimoniale :
Patrimoine forestier d’exception, patrimoine culturel, historique et archéologique riche, présence d’une dynamique locale.
L’Office National des Forêts a mis en place un réseau national “patrimoine culturel et archéologique” de forestiers sensibilisés à la sauvegarde des traces du passé afin d’établir au sein de chaque massif une base patrimoniale regroupant par parcelle les principaux éléments archéologique à sauvegarder des aléas de la mécanisation forestière.
Fin 2009,
Un groupe de travail s’est constitué autour de la thématique “ Patrimoine culturel et archéologique ”.
De nombreux partenaires y participaient :
L’ONF, la Direction Régionale des Affaires Culturelles des Pays de la Loire, le Pays d’Art et d’Histoire de la Vallée du Loir, l’Université du Maine, le C.N.R.S. et l’association du C.A.P.R.A. (Centre Allonnais de Prospection et de Recherches Archéologiques) ont pu ainsi proposer différentes actions autour de trois axes :
1- Mieux connaitre et inventorier le patrimoine. Dedans sont inclus une étude sur les cartes anciennes, le lidar suivi de prospections sur le terrain (en cours), des analyses sur l’environnement ancien.
2- Prendre en compte ce patrimoine dans la gestion à venir.
3- Valoriser ce patrimoine avec l’aide notamment de Carnuta.
Quelles méthodes utilisées pour percer les secrets du relief forestier ?
Tout d’abord des méthodes conventionnelles :
Ces différents partenaires, scientifiques et techniques, ont mis en commun leur savoir-faire et leurs connaissances pour monter un projet. Celui-ci s’organise autour de 3 grands axes : mieux connaître le patrimoine culturel et archéologique de Bercé, prendre en compte ce patrimoine dans la gestion et valoriser ce patrimoine auprès des publics.
Sur Bercé cela concerne
L’étude des enclos par Laetitia Noël qui est un travail universitaire de master 2 d’archéologie, sous la direction de Stephan Fichtl, (enseignant chercheur à l’université de Tours) et de Katherine Gruel (directeur de recherches au C.N.R.S., UMR 8546 A.O.R.O.C.) dans le cadre du PCR¹ Sarthe 2006-2008.
structures fossoyées en forêt de Bercé
Master 2 d’Antoine Guicheteau : La forêt de Bercé. Economie, pouvoir et peuplement du XIe aux XVe siècles (Analyse de 800 à 1000 textes médiévaux sarthois.)
Synthèse du Master d’Antoine Guicheteau
En juin 2011 :
Une première phase de l’étude palynologique: du 27 au 30 juin, a été confiée à Cécile Dardignac et la D.R.A.C., concernant le repérage de zones tourbeuses, sondages tarière, carottages et envoie d’échantillons en datation 14C.
Cette étude aurait pu permettre d’étudier plus précisément l’environnement ancien à l’emplacement de l’actuelle forêt de Bercé. Les pollens ne sont malheureusement pas assez bien conservés ni assez ancien pour que cela vaille le coup de les faire parler…
Mais un outil révolutionnaire changea la donne:
En mars 2013 :
Mission L.I.D.A.R. au dessus de la forêt de Bercé initiée par la D.R.A.C.
Seul l’emploi du L.I.D.A.R. peut aider au décryptage de l’histoire des terres.
Ce scanner aéroporté pixellise sous forme de modèle mathématique d’élévation numérique la couche forestière, à charge pour les géo-mathématiciens de la D.R.A.C. ou de l’O.N.F. d’en tirer leurs informations. Les archéologues ne prendront que les informations raz du sol alors que les forestiers s’intéresseront à la couche supérieure…. la résolution pouvant atteindre 20cm.
L’un des principaux avantages du L.I.D.A.R. est qu’il permet la recherche archéologique dans un paysage plus large, qui ne peut guère été réalisé dans la forêt en raison du masque de la végétation.
En outre, les données L.I.D.A.R. sont très utiles dans la rectification de la position des éléments archéologiques qui avaient été cartographiés et géolocalisés en utilisant des méthodes plus conventionnelles (boussole ou arpentage).
Novembre et décembre 2014 :
Restitution des cartes produites, par les forestiers de l’ONF,
la DRAC, et quelques archéologues bénévoles.
Vérification d’après mes cartes concernant les ferriers, mares et enclos de Bercé.
P.D.F. à votre disposition pour étayer l’argumentation L.I.D.A.R. :
L’apport des données L.I.D.A.R. sur la foret domaniale de Bercé
prospections L.I.D.A.R. sur la forêt de Bercé
Qu’est-ce que le L.I.D.A.R. ?
Le L.I.D.A.R., Light Detection an Ranging, est un système topographique extrêmement précis. Embarqué dans un avion, un scanner balaye d’impulsions laser la surface survolée et enregistre la position géographique de tous les objets qu’il rencontre (arbres, sol, bâtiments etc.).
Les coordonnées géographiques de millions de points sont ainsi enregistrées. Après traitement informatique, seuls les points pris au niveau du sol seront conservés.
L’ONF pourra par la suite utiliser les données LIDAR pour exploiter la couche supérieure qui lui indiquera les zones moins bien ou mieux poussantes.
Ils permettront de créer un modèle numérique de terrain et différents images en 3D.
Une visualisation très précise de la topographie du sol et des anomalies de terrain est alors révélée.
Comme les sites « archéo » peuvent être conservés sous forme de reliefs, le L.I.D.A.R. nous révèle leur présence…
Seul bémol dans la partie résineuse, une couverture faible due au réfléchissement des ondes sur la couverture végétale.
Pourquoi autant de temps entre le vol et le terrain ? Tout d’abord le temps de traitement des données est long. Ensuite la phase de terrain ne peut se faire que l’hiver (on voit mieux les anomalies de terrain lorsqu’on n’est pas en pleine période de végétation).
Quelles sont les premières analyses ?
Elles préfigurent bien les enjeux économiques de cette méthode révolutionnaire qui sera à terme déployée sur les autres massifs Sarthois.
Moins de temps passés en prospection, une finesse accrue des résultats, des cartes calées sur S.I.G., et l’invisible qui s’ouvre enfin à nos yeux.
Les résultats sont spectaculaires. Des structures complètement effacées sur le terrain réapparaissent comme par enchantement sur les cartes. La position dans l’espace de celles-ci permettront, avec les anciennes voies de communication retrouvées de comprendre de façon plus approfondie, notre territoire, (comme par exemple la position des mares par rapport aux vestiges).
Un exemple de vues au dessus du canton de Sermaize :
Le Camp des Sarmates en 3 D (2'07)
Quand à la rédaction de nos aménagements forestiers, ils seront sans nul doute impactés par cette technique. Le Lidar vient à merveille étayer les emplacements des sites découverts en progression pédestre.
Que découvre-t-on actuellement ?
1 - Tout un réseau d’enclos, sans doute relativement récent (période moderne ?? mais rien n’est sûr), qui couvre une partie de la forêt. On ne connaît pour l’instant ni leur date ni leur fonction.
2 - Un important parcellaire ancien, à peine visible sur le terrain mais clairement identifié sur le L.I.D.A.R.. Il s’agit très probablement d’un ancien parcellaire agricole (par comparaison avec d’autres parcellaires du même genre conservé dans d’autres forêts et mieux connus). Là non plus pas de date, mais il ne faut pas exclure qu’il puisse être gallo-romain. Ce parcellaire était inconnu avant le L.I.D.A.R..
3 - Une importante exploitation métallurgique (métallurgie du fer), qui se traduit par la présence de zones d’extraction (minières) et de zones de réduction du minerai (ferriers). Pas de datation pour l’instant, mais un étudiant de l’université de Rennes travaille sur le sujet et devrait faire des sondages archéologiques (petites fouilles) en 2015. On en saura sans doute plus…
4 - Pas de traces d’occupations liées à de l’habitat (fermes, villae, villages etc…) …Et cela c’est assez rare en forêt…
L’opération L.I.D.A.R. s’est montée dans le cadre du projet forêt d’exception. Il s’agit d’un partenariat DRAC Pays-de-la-Loire / O.N.F. qui reposait sur l’accord suivant : la D.R.A.C. finançait le vol et traitait les données informations.
L’O.N.F. se chargeait de faire la vérification des anomalies archéologiques sur le terrain. L’équipe s’est composée de 2 archéologues de l’O.N.F., d’une personne de la D.R.A.C. et d’étudiants en archéologie et de bénévoles, (soit une équipe de 5/6 personnes).
Enfin pour terminer, pour l’instant il n’y a pas de fouilles archéologiques à proprement parlé sur Bercé.
Seulement des prospections : on vérifie les anomalies du terrain correspondant aux sites sans “creuser” ni voir ce qu’il y a dans le sol.
Il faudra au fil du temps intégrer ces données dans la gestion forestière.
Autres articles concernant l’archéologie forestière:
Origines géologiques et historiques de Bercé
Bibliographie :
Études DRAC et ONF sur le sujet.
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)