DES SECRETS BIEN GARDÉS
Les Étangs l’Archevêque
A propos
La vallée de l’Hermitière, est un lieu riche en vestiges.
Les vastes parties boisées du département ont conservé nombre de tertres et de talus, dont la nécropole de Bercé (un tertre isolé de forme ronde) qui fait le pendant à proximité (1.7km à vol d’oiseau), à une nécropole tumulaire de six tertres (groupés de forme allongée), tous situés sur la commune de Saint Vincent du Lorouër. Les lieux sont chargés d’histoire.
Nécropole Tumulaire Néolithique.
En forêt de Bercé, la nécropole de St-Vincent-du-Lorouër s’étale sur un versant orienté au sud, dominant la petite vallée de l’Hermitière et le château des Étangs l’Archevêque et qui débouche sur la vallée de la Veuve.
Sur chaque tertre, nous retrouvons invariablement le buis, inféodé au fil du temps à la présence l’homme.
La photo des sites (plus bas) résulte de l’opération Lidar de mars 2013. Cette mission aéroportéee s’est déroulée dans le cadre du projet “forêt d’exception”.
Il s’agit d’un partenariat DRAC-Pays-de-la-Loire / ONF qui reposait sur l’accord suivant :
la DRAC finançait le vol et traitait les données informatives; l’ONF se chargeait d’opérer la vérification des anomalies archéologiques sur le terrain. (1)
Une dépression périphérique signale un fossé de délimitation, voire d’extraction de matériaux pour en surcharger l’intérieur de la surface ainsi circonscrite. L’excellent état de conservation des élévations, c’est-à-dire la pente générale du relief ainsi formé, rapidement accentué, et la nature limono-sableuse sont des caractéristiques également communes à la nécropole similaire relevée dans le Bois d’Avort sur la commune de Louerre près de Gênes dans le Maine-et-Loire (2)
Pour le moment, l’unique et significative constante d’une telle distribution est sa relation avec une rivière importante en sa vallée. Dans les trois cas - Amenon, Bercé et Bois d’Avort - l’ensemble des structures se distribue dans un espace au contact immédiat de plaines alluviales. (3)
Les Étangs (Xᵉ–XVᵉ)
Plaisante demeure de chasse en bordure de forêt.
Le lieu-dit doit son nom aux étangs artificiels créés en 1038 par Gervais de Château-du-Loir, évêque du Mans, seigneur de Château-du-Loir nommé en 1055 à l’archevêché de Reims puis en 1059 archichancelier du royaume de France. La Maison de Château-du-Loir était liée de longue date à la Maison de Blois, et la famille de Bellême à celle d’Anjou. Gervais de Bellême, appelé aussi Gervais de La Roche-Guyon, est un descendant d’Aimon, seigneur de Château-du-Loir, et d’Hildeburge de Bellême. “C’est Gervais qui ordonnait à Foucher son «forestier», de laisser aux hommes de l’Abbaye résidant à Courdemanche, l’usage du bois et du panage des porcs dans «la forêt de Berçay».” La seigneurie des Étangs daterait de cette époque.
La chasse était la préoccupation principale de Gervais, tant et si bien qu’en souvenir du Maine, il fit mouler un cerf de bronze qu’il plaça devant son palais archiépiscopal.
“La cathédrale de Reims était le deuxième lieu sacré dans l’espace de la couronne française et son importance n’en était pas moins grande.”
Levons un des mystères de la cathédrale de Reims :
le Sagittaire.
Un Sagittaire qui vise de son arc un point qui
peut paraître énigmatique,car sa cible a disparu
fin du 17ème siècle. Il s'agissait d'un cerf en bronze.
Une statue dont l'arrivée est associée à l'archevêque
Gervais vers 1059. Cette statue de bronze
était un ornement de la cour du palais.
Ce cerf, qui était une superbe œuvre d'art, avait été
retenu par l'officialité,
le tribunal ecclésiastique de l'archevêque, pour figurer
sur son sceau.
Le sceau de la justice épiscopale faisait apparaître
le cerf.
Or, les chanoines qui étaient le clergé de la cathédrale
avaient parfois des rapports un peu tendus avec
l'archevêque. Ils tenaient beaucoup à leur autonomie
et on peut voir comme un clin d'œil le fait que leur
Sagittaire vise le cerf qui était le symbole de la
justice épiscopale.
Vous savez, au Moyen-âge, il y a parfois des
représentations un peu facétieuses.
Le cerf a disparu lors du réaménagement du palais sous Charles-Maurice Le Tellier, mais le Sagittaire reste. (vers 1680: le cerf est fondu) C’est un petit peu dommage, parce que lors du sacre des Rois, nous en avons le témoignage depuis le 14e siècle, ce cerf était rempli de vin et servait de fontaine à vin. (jusqu’à 60.000 litres coulèrent ainsi au sacre de Philippe V en 1328) La réjouissance du sacre était ainsi largement optimisée. Patrick Demouy
Voici le témoignage du Club d’Histoire locale de Château du Loir en 2019.
La « meson » des Etangs est citée en 1285.
La seigneurie aurait été transmise par alliance des familles Ribole à Courcillon puis au début du XVème siècle à la famille de Fromentières. En 1288 (BN Latin 9067 fol. 273) Geoffroy, sire de Courcillon obtient du seigneur de Château-du-Loir (Béatrix de Monfort),
“l’autorisation de faire un estanc entre sa meson des Estancs et la forest de Berçay, dés la rivière qui vient de l’Ermitière jusqu’à la vielle chaussée qui est sous la Hugerie …sous réserve de toute justice haute et basse."
Les Étangs (XVᵉ–XVIIIᵉ)
Un aveu de 1406 mentionne Amaury de Fromentières, seigneur des Étangs, à cause de sa femme Loyse de Courcillon.
En 1518, Olivier de Fromentières est écuyer, seigneur des Etangs. La famille de Fromentières possédait également jusqu’au XVIIème siècle le lieu seigneurial de la Moinerie à Jupilles. Nicolas Hilarion de Fromentières, chevalier, seigneur des Étangs-l’Archevêque et de la Moinerie, épouse Marie-Armande de Pradon.
Un document de 1660 indique que la Chevalerie, à Saint-Vincent-du-Lorouër, appartient au domaine.
Un document de 1686 mentionne le bordage de la Tuffière.
Cette maison est très liée à la forêt car au XVIIème siècle, Adrien de Fromentières, écuyer, sieur de la Moinerie, acheta vers 1630 l’office de maître particulier des Eaux et forêts de Château-du-Loir.
Plus tard, Bercé se rappelle avoir reçu la visite du grand-maître enquêteur Hurault, qui venait de la part de Colbert. Il était assisté du député Leferon et vint entre le 8 et le 17 octobre 1669. Ils visitèrent la forêt en compagnie d’Hilarion de Fromentières, maître particulier alternatif, qui «fut condamné à restituer à sa Majesté 925 livres pour la valeur de 225 cordes de bois de chauffage à Maison, plus 500 livres, pour ses vacations aux assiettes et journées des ventes de la même période, 9175 livres par lui reçus de la coupe et exploitation de 46 arpents de haute futaie à Bercé, plus 1500 livres pour dommages et intérêts envers sa Majesté.»
Dernière particularité de cette lignée….
En 1698, les habitants de Saint-Vincent-du-Lorouër, se présentèrent au Château des Étangs, devant Nicolas Hilarion de Fromentières, pour lui déclarer
« …Que les nouveaux mariés de la paroisse sont tenus de faire chacun, au jour de la Quasimodo, conformément aux anciens titres et jugements, le droit du Sault » (4) Chaque dimanche après Pâques, la coutume voulait que les jeunes mariés soient invités à sauter au dessus du ruisseau des Roches, le seigneur distribuait alors aux petits enfants des gâteaux nommés « Roinsolles »….d’où le nom donné à cette vallée … « Gaie Mariée ». La jeune mariée en particulier ne devait pas mettre un pied à l’eau.
En 1718, les Étangs-l’Archevêque sont acquis par Louis-Jacob Des Hayes, écuyer, colonel d’infanterie. Il est seigneur des Etangs-l’Archevêque, de la Joliverie, de Clairaunay, etc.
Les possessions du domaine dans la paroisse s’étendent à la Goussière, Champrond, la Roche, les Fourneaux, la Ratelière, le Petit Vaubouillé, le Grand Vaubouillé, le Moulin de Vaubouillé, la Chevalerie, les Chênes, la Borde, la Boudeterie, Vaubuffard, la Lamberdière, les Peloisières, les Etangs, la Coutière, le Grand Moulin, le Petit Moulin.
La maison des Étangs est en fort mauvais état. Pour occuper sa retraite, il eut le goût de démolir une partie inachevée de l’ancien château pour reconstruire un vaste bâtiment de plus de trente mètres de long qui abriterait quatre grands appartements par étage afin d’y recevoir la noblesse environnante pour des parties de chasse en forêt de Bercé.
Jusqu’à la fin du 18ème siècle, s’étendaient de vastes étangs depuis asséchés et remplacés par des prairies. Mais on distingue toujours la chaussée (levée de terre) qui fermait l’étang le plus important.
En 1800, l’affiche d’une vente à l’encan (5) (vente non retrouvée) indique que le domaine compte les métairies des Étangs, de la Coutière, de la Lamberdière, la nue propriété de la métairie de la Boudeterie et petit lieu nommé la Charterie.
Affiches du Mans, annonces, etc. du département de la Sarthe. N°53. Du 25e jour de Prairial an VIII:(14 juin 1800);
Le château est alors acheté par un cultivateur de Pruillé-l’Éguillé.
Parmi les biens à vendre : la maison des Étangs-l’Archevêque, Deux corps de logis parallèles (18e siècle) se rejoignent par un troisième corps plus ancien abritant en particulier l’escalier (du 16e siècle, comme les cheminées monumentales).
Le château est composés de cuisine, office, boulangerie, laiterie, caves, salle à manger, salon de compagnie, chambres de maîtres et de domestiques, cabinets, garde-robes, bibliothèques, chapelle, greniers pavés, écuries, remises, pressoir,colombier, cour et issues, parterre, verger, jardin de 75 ares, 2 hectares de vigne, un étang de 3 hectares, propre à faire un pré, jardin anglais et réservoir.; Les métairies des Etangs, de la Coutière, de la Lamberdière, la nue propriété de la métairie de la Boudeterie et d’un petit lieu nommé la Charterie…;
La famille Lepingleux habitait le rez de chaussée du château jusqu’en 1849. Son héritière abandonna les Étangs L’Archevêque aux fermiers.
En 1945 le château propriété des familles Mercier et Monnoyer fut vendu et devint exploitation agricole.
Il est depuis restauré par la famille Castel.
Autres articles concernant les officiers forestiers :
Chêne Roulleau de la Roussière
Inauguration de l’ancien chêne Boppe
Enquête sur la mort du chêne Boppe
Bibliographie :
(1) Propos de Cécile DARDIGNAC Archéologue de l’ONF lors de la campagne de rapatriement des données en novembre et décembre 2014.
(2) Les tertres du plateau d’Avort en Maine et Loire Serge CASSEN et Christine BOUJOT (Mémoire 2000)
(3) Définition du Temps sur des surfaces. Diagnostic chronologique et fonctionnel de structures tumulaires dans le Bois d’Amnon (La Chapelle-aux-Choux, Sarthe). In: Revue archéologique de l’ouest, tome 21, 2004. pp. 95-119—CASSEN Serge, VAQUERO LASTRES Jacobo.
(4) usage féodal rapporté par Pesche.
(5) Vente publique (biens et production)
D. Castel “Les Étangs l’Archevêque”.
R. POTEL, « historique de la forêt de Bercé »
R.VINEY « A propos d’une parcelle Artistique »
Le massif forestier de Bercé (Y. Gouchet - 2002) & Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)