DES SECRETS BIEN GARDÉS
L’Hermitière - 3
De 1900 à 1950,
les concessionnaires de “boissons hygiéniques” se bousculent aux sources.
En 1925, tout n’est pas rose dans la surveillance des concessions en cours; Certains concessionnaires nettoient mal leurs emplacements et le service forestier grimace. Les enfants jettent des branchages dans le ruisseau. L’eau, source de vie attirant depuis toujours l’enfant qui sommeille en tout homme.
En ces temps d’avant guerre, on savait s’amuser. La musique et les bals attiraient la foule. Les fins de semaine, c’est la grande fête locale avec bals sur parquet, (il y en a eu jusqu’à trois). Ces bals champêtres sont aujourd’hui le point de départ et la base de bien des familles du Canton. (Témoignage de Thérèse Common)
Vers 1925, il y a eu le Festival de Musique à l’Hermitière. Les cafetiers désaltéraient les couples de danseurs. Les camelots tenaient commerce et le 15 août, il y avait tellement de monde que les forestiers venaient sur ordre en tenue, faire toute la journée, la circulation. Il était fabriqué et posé des pancartes.
«Sens obligatoire et Circulation réglementée».
Malgré les panneaux «Interdiction de pénétrer dans le Massif», on n’arrivait pas à canaliser le flux incessant des véhicules. On a recensé certains jours jusqu’à 3000 voitures (environ) ! Bref, l’endroit était sympathique, gai et le vin, etc. Bon.
Ce jour-là, il n’y avait pas de droit de place à payer. Le père BLIN, un forain de Chahaignes, vendait des poupées en plumes, des cacahuètes (c’était son surnom) et des pipes en terre. (Témoignage d’Yves CAMISY)
Les jours d’affluence, le service forestier sollicitait la présence de la brigade de gendarmerie du Grand Lucé.
Café Bignon Georges : 1923
Georges Bignon tenaient l’Hôtel Saint-Jacques à Jupilles. En 1923, Il obtient une licence à l’Hermitière pour un débit de boissons hygiéniques.
Originaire de Jupilles (il y tient un café), la famille Bignon sera en grande partie responsable du terme générique « forêt de Jupilles » qui perdure encore de nos jours.
Sa publicité fait en effet toujours référence au village de Jupilles. Bignon accompagnera aussi les nombreuses tournées forestières de l’école de Nancy et autres colloques forestiers. De nos jours encore, les mérandiers ne connaissent pas l’appellation « Bercé » mais celle de « Jupilles ».
Accueillant par centaine les touristes de passage et grâce à ses cartes postales estampillées, il dévoie quelque peu l’appellation d’origine…forêt de Bercé. D’ailleurs sur bon nombre de cartes, c’est toujours la même famille Bignon que l’on voit.
Les gens venaient de très loin « C’était beau la Forêt, évidemment à l’époque.
On s’en occupait beaucoup, je ne sais pas maintenant… ».
J’avais un grand-père, y paraît qui était quelque chose à la Forêt.
- Il s’appelait Lelarge (1), ma grand-mère m’en parlait bien souvent,
je crois qu’il est mort jeune, il a dû avoir un chaud et froid ou je ne sais pas quoi.
Jeune, parti à Chahaignes puis en Seine et Marne,
mon mari avait sa mère à Jupilles, mais n’avait pas de père.(2)
(1) Lelarge Arsène Louis était garde cantonnier au poste
de la Doucinière de 1857 à 1876.
(2) (Témoignage de Thérèse Common, 11 rue du Pont de l’Arche
– 72150 Pruillé - Née Bignon, par son beau-père, en 1912,
car son père, décédé en 1914, n’a pas eu le temps de la reconnaître.
Elle se marie à 17 ans)
L’incendie de la guinguette à Bignon (le 24 août 1926), Alice Douay, s’en souvient bien. Charles Douay avait transporté toute sa famille dans sa «Ford» à l’Hermitière, pour voir les débris de la cabane et du piano.
Les mésaventures de Mr Bignon.
Le Garde Guiomard rend compte de l’incendie à l’Hermitière en date du 24 Août 1926. “Vers 23 h, venant de chez mon collègue Jouaux à qui j’avais porté de la part du brigadier un ordre de service pour le lendemain, je suivais le sentier qui à travers la parcelle 210 (ancienne B1) descend vers les sources de l’Hermitière. Tout à coup, une lueur très vive attira mon attention.
J’avançais rapidement vers elle et arrivais bientôt près des arbres et baraques appartenant à Mr Bignon concessionnaire d’un terrain près des Sources. Un incendie très violent, entourait entièrement un petit réduit monté sur pilotis où Mr Bignon abritait un piano automatique, des bancs, des tréteaux, des verres et différents objets et ustensiles nécessaires à l’exploitation de son commerce de vin. Je fouillais minutieusement le fossé du périmètre, le lit du ruisseau à sec, et tous les abords immédiats de l’incendie, je ne découvris rien de suspect. Autour de l’abri en flamme, tout était propre, le sol à nu, ne permettait pas au feu de gagner la Forêt ni de s’étendre vers le périmètre.
D’autre part, il me parût impossible de combattre le feu qui dégageait une très forte chaleur, et commençait à abattre les tôles qui couvraient cet abri. A l’aide de branchages, je balayais vers la Forêt les feuilles et les brindilles les plus proches du foyer de l’incendie.
J’allais immédiatement prévenir le Brigadier Féliot (son fils et l’auxiliaire Moreau prévenus,
allèrent surveiller l’incendie).
J’accompagnais à Jupilles le Brigadier Féliot, nous avons averti Mr Bignon qui est venu
aussitôt à l’Hermitière. L’incendie achevait de consumer, les débris de l’abri
et les objets qui s’y trouvaient. Quelques personnes du village voisin
étaient accourues sur les lieux.
Nous avons à l’aide de seaux et de bassines, inondé le foyer de l’incendie qui était éteint vers 3 heures du matin, le dommage causé à la Forêt est faible. Deux arbres essence chêne et un hêtre ont été noircis sur 3m50, le long de leurs troncs, on peut craindre qu’ils dépérissent ou même crèvent. Je crois à la malveillance. J’avais passé vers 20h près des Sources où je n’avais rien remarqué de suspect. Le sol autour de cet abri étant dépouillé de toute végétation et très propre, une allumette ou cigarette allumée et jetée là, ne pouvait communiquer le feu à une baraque en planches. L’examen que nous avons fait des débris provenant de l’incendie, bois et planches consumés n’a pas révélé l’odeur caractéristique que laissent l’essence ou le pétrole. La Gendarmerie du Grand Lucé est venue sur les lieux pour enquête.”
Ouest Éclair du 1er juillet 1927…
117ème Régiment d’Infanterie
Dimanche, malgré l’inclémence du temps, les anciens du 117ème, pour être fidèles à leur programme, partaient en excursion en forêt de Jupilles. Les écluses célestes largement ouvertes, auraient fait reculer de moins audacieux. Certes, on se lamentait bien un peu avant le départ, quelques mines étaient moroses, mais une large distribution de « trompettes en bois », contribua largement à dérider les plus enclins à la tristesse. Dès le départ chacun soufflant à qui plus fort dans sa « pépète », une cacophonie assourdissante amena de suite, une atmosphère de saine gaieté tout au long de notre caravane de voitures. Naturellement, il faudra renoncer au déjeuner sur l’herbe, mais tout était prévu… même la pluie, et l’ami Bignon, de Jupilles, nous avait réservé sa grande salle en cas de mauvais temps. On fait néanmoins un tour en forêt, les plus audacieux n’hésitent pas, malgré la pluie à aller visiter, les sites les plus remarquables. Puis Jupilles est atteint à l’heure de l’apéritif. Les binious sortent de leurs gaines, et de suite un concert est organisé. Mais les estomacs crient famine, on passe à table. Notre maître queux Chevallier, nous avait préparé un menu pantagruélique autant que délicat, auquel il fut largement fait honneur. Et la pluie tombait toujours. A table, on ne pense plus au mauvais temps, on s’amuse, les rires fusent de toutes parts l’exubérance est générale.
A la fin du repas la parole est aux chanteurs. Tour à tour. Mme Taillard, Mm. Rocher, Salmon, Tournesac et l’ami Bourdon d’Écommoy, avec sa flûte à 35 sous, se firent applaudir, et méritent largement les bans chaleureux, dont ils furent gratifiés. Puis l’orchestre s’installe et une sauterie s’organise rapidement… il pleut toujours, et les couples tournent, tournent sans se lasser. Mais le ciel gagné peut-être par notre exubérance nous adresse le sourire de son soleil, sourire bien pâle sans doute, mais il fait que la pluie cesse. Alors s’organise à l’extérieur, une farandole endiablée.
Puis c’est la traditionnelle pose devant le photographe. Le sympathique Groupement des voyageurs de commerce de la Sarthe en excursion comme nous, vient nous rendre visite, c’est une occasion de plus de trinquer à la prospérité de nos deux associations. Mais l’heure s’avance il faudra songer au retour, on dine rapidement, un tour de chant, on danse un peu et c’est le départ, bruyant autant que l’on peut croire. Peu après Parigné-l’Évêque, un pneu qui vient de rendre l’âme, nous donne l’occasion de descendre de voiture, et l’orchestre nous convie à une sauterie en pleine campagne, sur la route même. Enfin on arrive au Mans chez Blot où doit avoir lieu la dislocation. Tout le monde est heureux d’avoir passé une agréable journée, malgré un temps qui ne faisait présager rien de bon.
L’Amicale enregistre un succès de plus, à son actif, succès dû à l’activité inlassable de notre comité des fêtes, lequel voudra bien trouver ici, l’expression de nos plus chaleureux remerciements. Je n’oublierai pas non plus le papa Chevalier qui s’est dépensé sans compter, pour nous préparer un menu délicieux; M. Taillard, qui avait mis gracieusement à notre disposition, tout le matériel nécessaire à notre pique-nique. Que M. Bignon, de Jupilles, reçoive également nos remerciements les plus sincères pour la cordiale hospitalité qu’il nous a réservée. Enfin pour terminer en reprenant le jeu que l’ami Tournesac apprenait à nos jeunes filles, pour leur plus grande joie, je résume d’un trait, notre sortie :
« cent dix sept, c’est épatant, tant ils s’amusent … muses …et hommes !!! »
Autre incendie :
Le 14 Juillet 1928, à 23h, Bignon, concessionnaire d’un terrain pour l’exploitation d’un débit de boissons hygiéniques, est venu me prévenir qu’il avait par mégarde mis le feu à son auto. Il venait de faire une longue course et en voulant verser de l’essence dans le réservoir de sa camionnette, quelques gouttes de liquide tombant sur le moteur, auraient aussitôt pris feu. …. Une partie de l’avant du châssis et de la carrosserie est fortement endommagée. La capote fixe, en toile caoutchoutée est détruite. L’accident s’est produit sur le terre-plein de l’Hermitière, à 1m50 de l’entrée de sa baraque. Il n’y a aucun dégât causé à la Forêt. La Gendarmerie s’est déplacée le lendemain.
Le Dimanche 15 Avril 1933, Lasnier renouvelle à Mr Bignon l’ordre d’avoir à entretenir sa concession. 24 février 1936 : Monsieur Bignon est sommé par le service forestier de parfaire son arrachage de souches. La concession Bignon, de 5 a 77 ca, court jusque vers 1936. Elle comprend un lavoir public, un parquet de danse, un abri en bois et la possibilité d’installer des petites tables avec bancs dont la mise à prix était de 200 F, le 3 mars 1927. La cave en briques, sur le champ d’Édouard Guillier était à Bignon.
Concession Lempereur : avant 1927
Le Garde Guiomard “averti Mr. Lempereur, le 13 septembre 1925, concessionnaire d’un terrain près des sources, de faire nettoyer sa concession où des papiers gras et détritus de toutes sortes traînent ça et là “. Ce même Garde, le surlendemain du service d’ordre qu’il a assuré, le dimanche 4 juillet 1926, relate :
L’emplacement occupé par Lempereur a été insuffisamment nettoyé, des papiers gras, des cartons pour cible et détritus de toutes sortes traînent ça et là. A mes observations à ce sujet, ce concessionnaire a fait une réponse évasive et peu polie. J’en ai rendu compte au Brigadier.
Mauvais point Pour le dénommé Lempereur qui risque de ne pas voir sa concession reconduite. Tel est le cas le 3 mars 1927: Guiomard assiste ce jour à la location à l’enchère des emplacements concédés près des Sources de l’ Hermitière. Les adjudications sont présidées par Mr. L’inspecteur principal. Sont désignés adjudicataires Mrs. Bignon, Douay, Pérès et Ancelin.
Les Douay reprennent la concession de Mr Lempereur (2a 83ca) comprenant un emplacement avec tables, bancs, et parquet de danse (mise à prix 100f le 03 mars1927)
Concession Perès : 1927
Marchand forain à Château du loir. Cette concession comprend l’installation de deux voitures de marchands forain (emplacement de 10m sur 10m, mise à prix 100fr le 03 mars1927)
Café Ancelin Gabriel : 1927
Épicier et Pompiste à Jupilles avant 1950. Il installe une table mobile pour vendre objets divers et comestibles aux promeneurs pendant la belle saison. Son emplacement couvrait 4 m sur 2,50 soit 10 m² et était mis à prix 20 F le 3 mars 1927.
Café G. Mercier : 1930
Célèbre par sa réclame sur carte postale : Visitez les Sources de l’Hermitière, la plus belle excursion de la forêt de Bercé.
Raymond Bergevin dit Ramuntcho se distinguait des autres éditeurs
de carte postale par la couleur uniformément verte de celles-ci.
En 1935 : Préparation des nouvelles concessions.
Le 26 novembre 1935, les forestiers délimitent en Brigade les nouvelles concessions de l’Hermitière – mesurage des emplacements à louer.
LA CHAUVINIÈRE
Rendez-vous champêtre en Forêt de Jupilles (Sarthe)
A M. le docteur Bourdy.
Le plaisir ici rassemble
Des amis et des amants,
Qui n'y peuvent être ensemble
Assez tôt ni trop longtemps.
Sans cesse on entend les filles
Dire : « Ces lieux sont charmants ;
Dans la forêt de Jupilles
On n'est jamais trop longtemps. »
Mille oiseaux sous ses ombrages
Redisent par leurs doux chants :
« Peut-on être en ces bocages
Assez tôt ni trop longtemps ? »
La propriétaire affable
Abonde en vins excellents :
On ne peut être à sa table
Assez tôt ni trop longtemps.
La bonne aimable et gentille
Sait plaire à tous les clients :
Jamais elle ne babille
Ni trop tôt ni trop longtemps.
On ne connaît point de gîte
Aussi bon à tout égard :
On n'y peut venir trop vite,
Ni s'en retourner trop tard.
Fernand de Jupilles,
- Échos de ma forêt, chansons,
préface de Jules de Marthold
- 1902 monographies–
http://gallica.bnf.fr
Autres articles sur l’Hermitière :
Bibliographie :
Revue Au Fil du Temps N° 30 - Pages 4 à 5 (Y. Gouchet - 12 – 2005)