DES SECRETS BIEN GARDÉS
La famille Heintz
La maison forestière des Boussions est construite depuis 30 ans quand naît Laurent Heintz.
Le chasseur forestier Heintz (n° matricule 3129) garde domanial de 2ème classe, est né en 1844, et domicilié à Thoiré-sur-Dinan. Il débuta en forêt de Bercé 1872.
Le 28 septembre 1872
Il est affecté au triage n°6, à la maison forestière des Boussions.
C’est un homme affaibli par une dure campagne militaire de 1870 à 1871, qui se présente à son poste.
Sergent au 19ème bataillon de chasseurs à pied, 8ème compagnie, à Toulouse,
il aurait du rester dans le midi, mais en bon Alsacien,
il obtient de rallier la frontière à Strasbourg, et d’être placé dans
la 2ème compagnie de marche.
Promu sous-lieutenant, il a contracté au sortir de la guerre de 1870, des attaques régulières de rhumatismes articulaires.
Comme beaucoup de forestiers sur Bercé, il fera souche sur place.
Sylvie Heintz , son arrière petite fille témoigne sur sa famille.
«Mon arrière grand père Laurent a épousé sa voisine... qui habitait
"le coin des fossés" et la maison est restée dans la famille
jusqu'en 1941 environ, mon grand père Théophile étant décédé en 1940.
Je ne manquerai pas de contacter à ce propos Mme Martin dont vous
m'avez parlé. J'ai également rencontré Albert Foussard et là aussi
cela a été une belle surprise pleine d'émotion car il a bien connu
mon père et mes grands parents!
Bref, j'ai fait de belles rencontres pour un premier retour aux sources
et je ne manquerai pas de revenir continuer mes recherches» **(1)**
Laurent Heintz et Anne Marie Louise Vérité, née en 1849 se sont mariés à Thoiré-sur Dinan le 3 mai 1873.
De 1874 à 1881
Le couple eut 4 enfants, (3 garçons et une fille). L’aîné, Théophile Laurent Pierre est né le 3 avril 1874.
Une seconde naissance arrive le 20 juillet 1875, mais Laurent note sur son livret : «Resté à la maison pour faire enterrer mon enfant nouveau né ». Les obsèques auront lieu à Thoiré.
Équipement du chasseur forestier Heintz
Dotation du 14 septembre 1875
Un mousqueton chassepot d’artillerie modèle 1866
(calibre 11mm. Il mesure 0m 93 pour 3kg200
plus 0m70 de sabre-baïonnette) d’une portée de 1200m.
Mis en service en 1873, soit un an avant le système 1874.
Arme très rare, en version d’origine, dite d’artillerie.
Une poche à cartouches
Une bretelle de mousqueton
Deux coulants en cuivre
Une plaque de ceinturon et le verrou de cette plaque
Deux crochets à bouton en cuivre
Une musette en toile ou sachet à cartouches
Un havresac avec planchettes et courroies
Un porte-sabre baïonnette
Un sabre baïonnette
Un fourreau de sabre
Un nécessaire d’arme renfermant un « lavoir »,
une lame tourne vis, une clef, une spatule curette
et une trousse.
Un étui renfermant une aiguille et un ressort
à boudin de rechange
Deux obturateurs dont un de rechange
Un ceinturon d’infanterie
Une giberne
• Il y a encore peu de temps, sous la restauration
et le II empire, les forestiers portaient en sus,
un "couteau de chasse" qui pouvait s’apparenter
à un glaive.
Le 4 décembre 1875, « au Château du Loir pour payer les frais de timbre de mon extrait de naissance et du consentement de mes parents pour mon mariage »
Le 8 novembre 1876 « Été à Lucé pour chercher un enfant de l’Assistance publique de Douai. »
Le 27 octobre 1877 : « chez le médecin pour faire remettre le bras cassé à mon enfant (à Château du Loir) »
Laurence Marie Raymonde nait quant à elle le 30 octobre 1878 et Eugène Camille, le 16 juillet 1881.
Janvier 1879, le froid a raison des écritures du livret journalier.
17 Juillet 1881 : « Été à Thoiré faire baptiser mon enfant (Eugène Camille) né de samedi. Passé le reste de la journée à vaquer à mes affaires ».
13 novembre 1882 « Le soir accompagné le juge de paix sur le canton de Croix-Veneur parcelle A5 pour la reconnaissance d’un cadavre trouvé dans cette parcelle par le sieur Branjonneau. Rendu compte au brigadier »
9 avril 1883 : « Gardé la maison pour cause d’enflure du pied droit, ne pouvant pas mettre de chaussures. » Laurent Heintz souffre comme nombre de forestiers des pieds, organes essentiels de la marche en forêt.
1890, du 21 mars au 16 avril….malade (vu le docteur Manceau de Château du Loir)
5 août au 13 septembre 1890 :
parti aux eaux thermales de Bourbon-l’Archambault (idem en 1891)
21 & 22 avril 1892, ses rhumatismes ne l’empêchent pas de travailler car le conservateur, l’inspecteur et l’inspecteur adjoint sont en forêt. Mais le lendemain il restera au poste un mois entier.
Laurent est classé comme le meilleur et le plus dévoué des préposés de Bercé. 1ère classe depuis le 24 juillet 1880 il est nommé à la classe exceptionnelle le 25 février 1888, (aujourd’hui abolie).
Il reçoit en 1893, la médaille d’honneur forestière à défaut de la médaille militaire qui lui revenait de droit.
En effet, de brillants états de services et plusieurs faits d’armes lui sont crédités, malheureusement sans que personne ne puisse en témoigner. Bon nombre de ses camarades sont en effet « Morts pour la France ».
Note de Roulleau - 1893
Les gardes Heintz et Lesimple font partie de cette troupe de gardes d’élite, fermes, soumis, dévoués, modes tes, qui sont l’honneur d’un corps, qui donnent aux jeunes l’exemple à suivre, et qui forment, dans une forêt, cette tradition du personnel, nécessaire au bon fonctionnement de la gestion. »
Le 18 novembre 1894 il se présente à Château du Loir au conseil de révision. Heintz, selon l’antique coutume forestière, assiste toujours aux grands évènements religieux et notamment à l’enterrement du curé de Thoiré le 15 juin 1877.
Du 3 mai 1894 au 6 juin puis en 1895, du 21 aout au 21 octobre Laurent Heintz se plaint toujours des rhumatismes et est souvent arrêté.
Le 23 janvier 1895 « A Château-du-Loir, tiré le billet du sort de mon fils Théophile né le 3 avril 1874».
Heintz perçoit comme tous ses collègues, la ration mensuelle de tabac. Cet « avantage » perdurera malheureusement pour notre santé, 100 ans plus tard.
Le 7 juillet 1897 il va à Château du Loir pour tirer un certificat de médecin. Son état de santé ne lui permettait plus de continuer dans ses fonctions « visite du médecin assermenté : 5fr ».
Laurent Heintz a pris sa retraite le 11 septembre 1897
Du 1er au 10 novembre 1897 date de sa retraite effective il est en position de « permission retraite ».
30 juillet 1917 : enterrement de l’ancien garde Heintz décédé à Thoiré-sur-Dinan.
Autres articles concernant les maisons forestières :
Maison forestière des Profonds-Vaux
Maison forestière des Boussions
Maison forestière de la Doucinière
Maison forestière de la Huberdière
Maison forestière des Hutteries
Maison forestière des Renardières
Bibliographie :
(1) archives famille Heintz
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)