DES SECRETS BIEN GARDÉS
Menus bois
Jadis, une tolérance féodale permettait au manant ou vilain du Moyen Âge de ramasser en forêt le mort bois dont il avait besoin pour se chauffer : c’était le droit d’affouage. Les fagoteuses ne devaient utiliser aucun instrument coupant et se servir uniquement de leur force physique pour grappiller en forêt les maigres branchages. Cela améliorait l’ordinaire des agro-forestiers de nos contrées.
Un pauvre bûcheron tout couvert de ramée, sous le faix du fagot aussi bien que des ans gémissant et courbé, marchait à pas pesants
… (Jean de La Fontaine).
C’est bien souvent les femmes (représentées sur différentes gravures) qui s’employaient à façonner fagots et bourrées. Elles allaient vendre au bourg ce bois de boulange ou de chauffe.
Les rameaux et brindilles étaient coupés à longueur déterminée. Les fagots et les bourrées issus de ces branchages étaient liés en faisceaux avec des harts.
Les harts
(nom féminin, vient du latin : artus)
Ce sont des liens formés à partir d’un brin de bois vert, d’essence flexible, que l’on torsade avant emploi pour en augmenter la résistance. Au petit bout, le bûcheron pratique une boucle dans laquelle l’autre extrémité est engagée pour faire la ligature.
Il ne reste plus qu’à parer le fagot en coupant à la serpe, les brindilles qui dépassent. Dans d’autres forêts, le bûcheron s’aidait dans ce travail, d’une corde fixée à la ceinture et avec laquelle il serrait le fagot avant de le lier.
Le chêne, le charme, le bouleau, le coudrier, le cornouiller, le saule, la viorne flexible, le sapin, conviennent à cet usage.
Chaque fagot est lié avec une ou deux harts.
Je n’ai pas trouvé de prix en Sarthe, mais dans le Nord en 1892
pour 1000 harts :
1 franc pour les harts à cotrets : fagots ne renfermant pas de brindilles (charbonnette de chez nous),
1 franc et 20 c pour les harts à faisceaux,
3 francs pour les harts petites,
4 francs pour les harts à fagots.
Samedi 11 décembre 1894 :
Le garde Rouget surveille les nommés Adet à couper des harts pour l’exploitation de la coupe à M. Boutard marchand de bois, dans le canton de la vallée des Pierres.
Le 22 janvier 1895 : Veille le nommé Levillain à couper un mille de harts à fagots pour l’exploitation de la coupe à M. BOUTARD située dans le canton des Vaux du Puits.
En 1921 les délivrances vont de 600 à 8000 harts par article.
En 1926 : 30 f (en chêne) et 20 f (en hêtre) pour mille harts.
Les fagots
Les ramasseuses de bois mort portent sur leurs épaules le faix branlant de longues gaules, branches mortes au fond des bois, qui mettent la chaleur dans l’âtre, quand sévit la saison marâtre, où la neige blanchit les toits. (Achille Millien)
Les fagots sont formés de petits rondins et de menues branches. Il est très rare qu’on y comprenne des brins ayant plus de 0 m 20 de tour.
Ils ont 2 liens, leur longueur est de 1 m 70, la circonférence 1 m et le poids : 20 kg.
Prix en 1944 sur wagon : 12,50 francs et au détail : 17,50 francs.
Les bourrées :
L’expression du garde Leclercq … est très claire : tas de branches destinées à être bourrassées.
Les ramilles de chênes et de hêtres sont liées en bourrées avec une hart. Les bourrées ne comprennent ordinairement que de menues brindilles.
La bourdaine (arbuste de sous-bois, qui fournit entre
autre un excellent charbon s’enflammant
rapidement et qui en mélange avec du salpêtre
sert à faire la poudre noire à canon) est ainsi
coupée à la serpe et mise en bourrées.
En 1860 les bourrées qui faisaient 2 m de long et 1 m
de tour étaient liées au chevalet et composées de
triques ayant 0,15 m de tour au moins.
Prix en 1944 sur wagon :
(10 francs) : 1 lien, longueur 1 m 60, circonférence :
1 m, poids 15 kg, et au détail : 15 francs.
Les mêmes avec 1 lien, longueur 1m, circonférence :
1 m, poids 12 kg
Prix en 1944 sur wagon : 8 francs
et au détail : 13 francs. (Réservées au service des poudres des armées).
Le règlement ……c’est le règlement……
18 mai 1910 : prévenu les ouvriers de la coupe d’avoir soin de mettre leurs fagots et bourrées par tas de 10.
17 décembre 1912 Sylvestre fait observer à 2 ouvriers que leurs fagots n’avaient pas les dimensions règlementaires (…trop gros, et sont à refaire)
22 avril 1933 (André Pie) : constaté que des ouvriers introduisaient dans leurs fagots, des brins dont la circonférence variait entre 10 et 20 cm. J’ai donné ordre à ces derniers de mettre ces brins en stère et prévenu l’adjudicataire présent sur la coupe.
Yves Camisy témoigne :
Avec la mère Michaud, ils allaient au bois mort en jetant un grappin dans les basses branches des chênes pour les casser. Ces branches étaient dures comme de l’os et faisaient de très bonnes braises.
Le chevalet
Avant de lier le fagot, on le comprimait avec une chaîne ou une grosse hart passée autour et tendue avec un levier ou une sorte de treuil. Les produits ainsi confectionnés étaient solides et avaient bonne apparence.
Aujourd’hui
Le code forestier règlemente cette activité. l’article R163-1 et 7 réprime le délit d’enlèvement. La préservation de la biodiversité impose de nos jours des pratiques plus vertueuses qu’autrefois.
Ainsi à Bercé on ne brûle plus, laissant à terre les rémanents. Terminé aussi les enlèvements de petits bois.
L’exploitation des fagots et bourrées a cessé et le petit bois pourrit sur place engraissant un sol devenu au fil du temps de moins en moins fertile. En effet l’exportation de cette matière organique dont l’essentiel des sels minéraux est stocké dans le fin bout des tiges est vitale pour la forêt. Les sels minéraux reviennent ainsi à la terre nouricière.
Cela fait peut être moins propre dans le paysage, mais d’emblée nous polluons moins et engraissons même notre sol, protégeant ainsi la biodiversité.
Soyons néanmoins vigilants car de nos jours, ces bois dits sans valeur pourraient bien être à nouveau déchiquetés pour le chauffage.
En cela l’histoire est un éternel recommencement. C’est toute la richesse de nos forêt, de pouvoir recycler ce matériau bois.
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Bibliographie :
Bercé une Forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)