DES SECRETS BIEN GARDÉS
Aménagements
La forêt de Bercé, au fil du temps n’a pas échappé aux défrichements.
Les traces néolithiques et gallo-romaine en font foi.
Les grands défrichements médiévaux se sont achevés autour de Bercé vers le 12ème siècle. A cette époque, la forêt faisait partie des possessions de la Couronne d’Angleterre.
Mais jusqu’en 1843 l’on constata la présence de vide bien souvent laissés par l’agriculture et l’élevage.
Elle devint forêt royale en 1337.
Malgré la possession du Roi et l’ordonnance de 1346 qui avait interdit de créer de nouveaux droits d’usage dans les forêts du domaine royal, il en fut encore concédé d’assez nombreux jusqu’à la réformation de 1668, par exemple aux seigneurs de La Fontaine (Château situé près de Saint-Mars-d’Outillé), qui avaient le droit de chasse à courre dans toute l’étendue de la forêt de Bercé, avec celui de « pernage, pacage, bois à bâtir, merrain et chauffage ».
En 1586, pour augmenter les ressources fournies par la vente des offices, on imagina d’en créer d’alternatifs, c’est-à-dire qu’une même charge avait deux titulaires exerçant les fonctions ou plutôt touchant les revenus, à tour de rôle, pendant une année.
En 1635, l’Office des eaux et forêts de Château-du-Loir fut même rendu triennnal. De cette situation devaient résulter de nombreux abus administratifs qui ne prirent fin qu’à la réformation de Colbert qui avait annoncé que la France périrait faute de bois. Sa célèbre ordonnance des Eaux et Forêts du 13 août 1669 parachève le tableau.
Michel Devèze nous décrit La Grande réformation des forêts sous Colbert : (1661-1683).
1669 - 1er aménagement de Bercé.
La forêt est principalement peuplée de hêtres. (1)
Un arrêt du Conseil du Roi du 19 août 1689 et un ordre particulier
de Louis XIV, des 28 août et 4 septembre de la même année, chargèrent :
« … les sieurs Florîmont Hurault, chevalier seigneur de Saint -Denis,
conseiller du roi en ses conseils, grand maître enquêteur et général
réformateur des Eaux et Forêts de France, ès provinces et généralités
d'Orléans, Blois, Tours, Poitiers, Moulins et Bourges, et Jean Leferon,
député pour la réformation générale des Eaux et forêts, de se transporter
dans les forêts appartenant à Sa Majesté, dans lesdites provinces et
généralités, pour en faire une visite générale et exacte de garde en
garde, de triage en triage, et donner leur avis pour le règlement des
coupes et autres aménagements à faire dans lesdites forêts, pour les
remettre en bon état et être de tout dressé procès-verbal pour être
pourvu que de raison. »
Elle a toujours été traitée, depuis 1669, date du premier aménagement, en haute futaie de chêne et de hêtre.
Lors de la grande réformation des forêts par Colbert (Ordonnance de 1669), Bercé, contrairement à beaucoup d’autres, est en bon état et n’a pas trop souffert d’abus. Elle ne couvre alors que les 3/4 de la surface actuelle.
Au nombre des importantes forêts ainsi visitées, se trouvait la forêt de Bercé (Maine). La mission s’y transporta le mardi 8 octobre 1669 et y resta jusqu’au 17 inclusivement ; elle était assistée de Hilarion de Fromentieres, chevalier, seigneur des Étangs, et de Me Léger Bougars, maîtres particuliers ancien et alternatif de la Maîtrise de Château-du-Loir, de Me François Massue, procureur du Roi, Me Léger Seret, commis garde-marteau, Pommereul, greffier, des six sergents - gardes Raguideau (Charles et Claude), Fouque, Verité, Boutier et d’Aubeterre, de MM. Pierre Gaudin et René Hardouineau, marchands ordinaires de bois, demeurant à Château-du-Loir, et Jean Fleury, arpenteur royal - juré, demeurant à Orléans.
Les procès-verbaux de mesurage déjà faits donnaient 8309 arpents pour la contenance de ladite forêt de Bercé.
… située dans un fonds très bon pour porter des bois de haute futaie où ils peuvent profiter jusqu’à l’âge de 200 ans, disent les réformateurs qui, le 18 octobre, visitèrent les anciennes forêts de Bois-Corbon et de Douvres, puis arrêtèrent leur procès-verbal en date du samedi 19 octobre 1669.
Du procès-verbal de cette reconnaissance très approfondie et très détaillée, il résulte qu’à cette époque la forêt était en haute futaie, composée d’un tiers chêne et deux tiers hêtre; qu’elle contenait 8300 arpents (4243 hectares) dont 6336 arpents (environ 3200 hectares) en peuplements de bonne nature, à conserver, 1953 arpents (environ 1000 hectares) de bois plus jeunes ruinés par le pâturage à recéper pour être mis en meilleur état…
Ce règlement fut approuvé par arrêt du conseil du Roi du 3 décembre 1672.
De ces diverses énonciations et dispositions on doit conclure que, malgré des abus de pâturage invétérés et contraires au repeuplement des forêts, malgré les abroutissements qui en résultaient, malgré les désordres administratifs auxquels l’ordonnance de Colbert avait pour but de remédier:
les régénérations de la forêt de Bercé s’étaient, sous le régime de culture antérieur à 1669, opérées de la manière la plus complète, puisque sur 8309 arpents on n’en comptait, en 1669, que 76 à repeupler.
Les forestiers de 1669 n’avaient qu’à être les continuateurs de leurs devanciers dans l’exécution des prescriptions de la nouvelle ordonnance qui ne faisait elle-même que confirmer le régime à tire et aire et les modes de repeuplement recommandés pour les futaies par les ordonnances antérieures, notamment par celle de Charles IX, de 1573.
1200 hectares supplémentaires, fait rarissime dans l’histoire des forêts domaniales, (1) sont acquis en 1723 (Landes de Grammont et de Haute Perche).
Des arrêts du Conseil du Roi (lettres patentes des 13 et 25 septembre 1723) ordonnèrent, la réunion au corps de la forest de Bercé appartenant à Sa Majesté et le reboisement des landes de Longuebranche, dites de Grammont (300 arpents) et des landes de Haute-Perche (2000 arpents).
Ces arrêts avaient été provoqués par un rapport de Mgr Benoist Eynard de Ravanne, grand maître général, réformateur des Eaux et forêts pour les provinces de Touraine, Anjou et Maine (généralité de Tours),
« …convaincu que les terrains vagues considérables de ces landes qui ne produisaient que des ajoncs et des bruyères, rien d’utile, pas même au pâturage, pourraient donner de beaux bois ».
Le 12 octobre 1724 pour les landes de Grammont et le 1er décembre 1727 pour celles de Haute-Perche, on procéda à l’adjudication de leur ensemencement en essences feuillues (chêne, hêtre et châtaignier), après défrichement, écobuage, brûlis et deux ou même trois labours successifs en sens transversal. …
Jean Picot, marchand, demeurant à Parigné-l’Évêque, fut l’adjudicataire de ces travaux dont l’exécution et la réussite nécessitèrent beaucoup de lenteur et de difficultés, en raison de la nature ingrate du terrain.
Ils furent payés de 45 à 85 livres par arpent, après réception par le grand maître, en 1734 pour
les premiers, de 1743 à 1752 pour les seconds, quand toutes les garanties de succès en rapport avec
la nature des lieux eurent été assurées à l’entreprise. La dépense s’éleva au chiffre de
220.981 livres, y compris 7942 toises de grands fossés et 4508 toises de petits, à 25 et 17 sols la toise.
Une partie des terrains ainsi reboisés dut néanmoins faire l’objet de nouveaux ensemencements qui ne se terminèrent qu’en 1777;
Dans un procès-verbal des 27-28 octobre 1781, le grand maître constate déjà que ces reboisements ont donné de très médiocres résultats, des bois mal venants ; il propose leur mise en coupes de taillis à 25 ans, pour le chauffage des usagers et les forges ou fourneaux. Le total des ensemencements était, en 1763, de 2865 arpents.
Le grand maître Eynard de Ravanne avait visité plusieurs fois, de 1727 à 1740, les travaux de
reboisement dont il était le promoteur, et son ordonnance du 12 septembre 1743, portant
procès-verbal de réception pour la plus grande partie (2057 arpents) des landes de Haute-Perche,
avait été précédée d’une visite et d’un procès-verbal de visite du 26 juin 1741 par Jacques Ergo,
arpenteur général et expert-juré des Eaux et forêts, demeurant à Angers, qui fournissait
d’intéressantes explications sur l’état de ces ensemencements, dans les termes suivants :
« Remarqué un canton de 50 arpents planté sur un terrain extrêmement pierreux
les naissances nous ont paru fatiguées par la maigreur du terrain et sont
totalement remplies de mousse blanche. Comme ces défectuosités nous ont
paru provenir de la mauvaise qualité du terrain, pour nous en assurer nous
l'avons fait sonder en divers endroits des deux parties ci-dessus; nous avons
reconnu que le terrain est assez bon jusque à 10 pouces, qu'ensuite il se
trouve 1 pied de terre extrêmement maigre et totalement sablonneux;
au-dessous est une terre presque solide et noire que dans le pays on nomme
la tourte, et ce jusqu'à l pied à 1 pied 1/2 de profondeur, au dessous
de laquelle tourte est un sable rouge, ce qui cause une sécheresse excessive
à la racine, empêche les fibres de pouvoir pénétrer par la résistance qu'ils
trouvent; la racine se trouvant dénuée de nourriture par l'aridité des sols,
se rebute et est forcée de se replier, ainsi que nous l'avons remarqué en
faisant arracher plusieurs naissances dans différents endroits en sorte que
la production en est appauvrie et ennuyée, ce qui cause d'une part que les
naissances se couvrent de mousse blanche et que de l'autre le moindre froid
en gèle la pointe. Cependant il se trouve plusieurs veines de terre parfaitement
bonnes et ou le gland s'échappe et donne assez d'espérance. II nous a paru que
l'adjudicataire avait fait toutes les façons convenables et tout ce qui était
en luy pour un bon ensemencement de glands; mais l'ingratitude du terrain est
telle qu'il n'est pas possible de pouvoir y remédier. »
1783 - Deuxième aménagement
(1) (Extrait du procès-verbal d’aménagement de 1783-1785 (A.D.S/ B 3858)
« La forêt de Bercé est située dans la province du Maine et dans l'étendue de
la Baronnie de Château-du-Loir, elle est à 56 lieues de Paris, à deux lieues
de la ville du Château-du-Loir où est le siège de sa maîtrise à 10 heures
de la ville du Mans et à pareille distance de celle de Tours.
Après avoir visité le contour de la dite forêt, nous sommes entrés dans
son intérieur et nous avons reconnu :
**1°)** Que sa situation est en général assez plane à la réserve de quelques
vallées ou ravins qui presque tous se dirigent vers le midy.
**2°)** Le sol en est très varié, il est en général de la meilleure qualité,
vers le milieu, médiocre dans la partie méridionale et très mauvais
dans les parties septentrionales.
**3°)** L'essence dominante dans toute la forêt est en chêne,
il y a un tiers de hêtres.
**4°)** Une remarque que nous avons fait c'est que contre l'ordinaire des autres forêts ;
celle-ci après les coupes de futaie se repeuple en même nature de bois dur.
II y vient quelques bois blancs mais qui se trouvent détruits dès l'âge de 30 ans
et alors le fond se trouve peuplé en quantité suffisante de bonne espèce de bois,
pour la plus grande partie en chêne ;
C'est pourquoi nous ne sommes point d'avis
qu'il faille faire dans cette forêt comme nous l'avons fait dans les autres,
recéper les taillis à l'âge de 30 ans. »
Les officiers de la Maîtrise ne se bornèrent pas à pratiquer le nouvel aménagement et à faire les repeuplements prescrits par les réformateurs en améliorant l’état de la forêt où la proportion du chêne par rapport au peuplement total était, en 1790, de 4 à 5, au lieu d’être de 1 à 3, progrès considérable.
Sur la carte gauche ci-dessus, il était prévu un parcellaire abondant et régulier qui accompagnait fidèlement la percée récente des voies forestières.
L’aménagement de 1784 ne fut heureusement guère appliqué. Non seulement il ne fut pas assis sur le terrain, mais il cessa, dès 1792, d’être appliqué dans la section de futaie, en ce qui concerne la durée de la révolution dont l’injustifiable réduction à 100 ans résultait évidemment d’une fâcheuse complaisance pour les intérêts privés du puissant apanagiste de la forêt.
On revint à l’usage d’asseoir les coupes là où le bois était le plus âgé, c’est à dire dans les futaies ayant au moins 150 à 180 ans, et leur traitement par le « mode du tire et aire » fut continué jusqu’en 1830, époque où on commença à pratiquer la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies. Les seuls ennuis phytosanitaires de l’époque sont aux dires de l’aménagiste les « limasses » et les grillons… (5 novembre 1795 : rapport sur les dilapidations commises dans la forêt de Bercé) (2)
A la révolution, Bercé fait partie de l’apanage de Monsieur, (Louis XVIII le Désiré), Frère du Roi . En 1791, elle passe dans le domaine de l’État.
La forêt a bien eu à souffrir de quelques abus pendant la période révolutionnaire, mais tout est à peu près rentré dans l’ordre au moment de la promulgation du Code Forestier en 1827. Après avoir été de 240 ans ces dernières décennies, il est aujourd’hui, compte tenu des changements climatiques et d’une sylviculture dite « dynamique », ramené à 180 ans.
L’âge d’exploitabilité des chênes, abaissé de 200 à 100 ans en 1783, est heureusement ramené à 150, puis 180 ans avant la fin du 18ème siècle.
1843 - Troisième aménagement
En 1841, un nouvel arpentage réalisé par Wautot, arpenteur forestier, évalue pour la forêt 5.455 hectares.(1)
En 1842, une commission d’aménagement, dite de la Sarthe, fut chargée d’étudier la forêt; elle termina son travail en 1843 et fut à l’origine de l’ordonnance du 28 août 1846 qui n’adopta pas toutes ses propositions, en étendant le traitement en futaie à toute la forêt et en la divisant comme suit:
1° Section A (4.005 hectares) en futaie de chêne et comprenant 8 séries partagées chacune en 6 affectations et soumises à une révolution de 180 ans divisée en 6 périodes de 30 ans, pour application de la méthode du réensemencement naturel et des éclaircies dont la rotation devait être égale à la durée de la période (30 ans).
2° Section B (606 hectares) en futaie de pin maritime, dans la partie sud-ouest de la forêt et comprenant une 9° série à exploiter à la révolution de 60 ans, par coupes à blanc-étoc (coupe-rase) réensemencées artificiellement, après éclaircies tous les 5 ans, de 10 à 30 ans.
3° Section C (382 hectares dont 152 hectares de vides, aux Profonds-Vaux) formant une 10° série, pour conversion en futaie de chêne, hêtre et châtaignier, après exploitation en taillis simple pendant 30 ans, au lieu des 3 séries de taillis (une de chêne à la révolution de 30 ans et 2 de châtaignier à la révolution de 7 ans) qu’avait proposées la commission.
4° Section D (355 hectares), dite en conversion, comprenant une seule série (n° 11) formée d’une partie de l’ancienne série de taillis de Grammont et soumise à une révolution préparatoire de 30 ans, pendant laquelle les exploitations devaient être réglées sur propositions spéciales et les vides repeuplés en chênes et hêtres qu’on remplaça par des pins (maritime et sylvestre).
Les aménagistes de 1843 constatent que le pin sylvestre n’existait alors que sur environ 2 hectares (en 3 bouquets) de jeunes semis âgés de 10 à 15 ans, en dehors de quelques arbres isolés mais très bien-venants.
Selon l’aménagiste de 1843, la bourdaine, utilisée pour les moulins à poudre et le houx, signe d’une bonne qualité du sol…doivent « être extirpés lors des éclaircies et surtout dans les coupes principales » (définitives).
C’est enfin lors de cet aménagement qu’est acté le fait de construire la 10ème maison forestière à La Tasse (Beaumont-Pied-de-Bœuf) car un agent non logé est « vu lorsqu’il sort pour se rendre dans son triage et lorsqu’il rentre pour prendre ses repas, ce qui rend la surveillance de son triage très difficile. »
1875 - Quatrième aménagement
De 1843 à 1875, les vides se trouvent réduits de 774 à 177 hectares**(1)**; les sections n’existent plus. Les repeuplements artificiels exécutés avaient alors plus que doublé la surface occupée par les résineux et, dans les peuplements feuillus, la proportion du chêne avait continué à augmenter, au point de devenir 5 fois supérieure celle du hêtre.
«Sur toute la surface de cette 10ème série (Profonds-Vaux) où le sol
est semblable à celui des huit premières, on rencontre des bouquets
de chêne épars, dont la végétation est satisfaisante... Ces bouquets
feuillus sont les derniers représentants du peuplement antérieur et
permettent d'espérer que l'on pourra revenir, dans un avenir peu
éloigné, à la futaie de chêne et hêtre qui, en 1669, peuplait la forêt. »
Ces lignes contenaient une erreur, le canton des Profonds-Vaux et voisins n’existant pas en 1669. Dans les parties pauvres d’une manière générale, l’emploi du pin sylvestre est conseillé pour les repeuplements, même dans la 9° série, de préférence au pin maritime.
1909 - Cinquième aménagement
L’administration forestière s’éteint le 15 avril 1898, pour laisser place le lendemain aux Eaux et forêts qui perdureront jusqu’au 22 décembre 1964.
En 1909, avant l’expiration de la deuxième période (1876-1911),(1) une nouvelle étude pour révision de l’aménagement constata d’abord que les 177 hectares de vides reconnus en 1875 avaient disparu. Au lieu de 171 hectares, le pin sylvestre occupe 1459 hectares, soit 1288 hectares de plus. Le pin maritime au contraire ne couvre plus que 295 hectares au lieu de 1230, soit 935 hectares de moins.
Ce changement considérable date de l’hiver 1879-1880 qui fit périr environ 1000 hectares de pins maritimes, et depuis 1880, le pin sylvestre fut substitué presque partout à celui-ci, dans les parties nord-ouest et ouest de la forêt, par crainte d’un nouveau désastre.
Dans la section de futaie feuillue, la proportion des vieux peuplements est insuffisante, tandis que les bois jeunes et d’âge moyen sont surabondants. L’aménagiste de 1900 est d’avis que, dans cette 2° section, le terme d’exploitabilité à considérer doit être d’environ 150 ans pour les peuplements feuillus, 100 ans pour le pin sylvestre et 60 ans seulement, comme auparavant, pour le pin maritime.
Au sujet de la transformation à envisager pour les peuplements, il s’exprime comme suit :
« La réinstallation immédiate des feuillus ne saurait être poursuivie, quant à présent ; mais il serait excessif de considérer les résineux comme devant former, d’une manière définitive, le peuplement de toute la section. C’est seulement pour les plus mauvaises parties, notamment de la 11° série, qu’une telle affirmation peut être formulée »
…Les chênes de Bercé se font remarquer par la régularité de leur tige et leur hauteur sous branches qui atteint souvent et dépasse même parfois 30 mètres.
Leur végétation est excellente en bon sol mais leur croissance est lente, surtout en diamètre, ce qui semble dû à l’état très serré des peuplements; c’est seulement vers 120 ans qu’ils entrent dans la période de fort accroissement et vers 200 ans qu’a lieu leur maturité.
Ces chênes donnent un bon bois de fente, facile à travailler, très recherché pour le merrain et la menuiserie, cette qualité du bois est attribuée à sa croissance lente. A 200 ans, quand ils ont profité du bienfait des éclaircies, ils peuvent atteindre 0,60 m ou 0,70 m de diamètre; en vivant plus âgés, ils arrivent à dépasser 1 m de diamètre.
Un sous-bois naturel hêtres apparaît généralement alors dans les jeunes futaies et devient très abondant, ce qui rend le rôle de l’essence moins utile dans l’étage dominant.
1947 - Sixième aménagement
Cet aménagement (arrêté du 21 octobre 1949) maintient les 11 séries.(3) Sept d’entre elles sont feuillues avec les caractéristiques suivantes :
-Pour les quatre premières : révolution 240 ans, période 40 ans, affectations permanentes, rotations 6, 8 et 10 ans.
-Pour les trois suivantes : révolution 216 ans, période 36 ans, affectations permanentes, rotations 6, 8 et 10 ans.
-Les quatre autres sont des séries de futaie résineuse ou transformation en futaie résineuse (révolution 100 ans pour le sylvestre, 60 ans pour le maritime, rotation 8 ans, période 20 ans.) Les pins soutiennent la production de poteaux de mines et bientôt de poteaux téléphoniques.
1967 - Révision d’aménagement
Adieux à l’ancienne administration car voici créé l’O.N.F. en 1966 initié par la loi du 23 décembre 1964. L’aménagement des quatre séries résineuses venait à expiration alors que celui des sept séries feuillues devait se poursuivre jusqu’en 1968.
Compte-tenu de la qualité exceptionnelle des chênes et de la sylviculture très fine dont ils font l’objet, il est alors apparu absolument nécessaire de sortir de la section feuillue les parties qui avaient été plantées en pin sylvestre ainsi que les auréoles de feuillus médiocres qui les entouraient. Pour ce faire, une décision fut prise au niveau du Ministère pour que la totalité de l’aménagement soit révisée en 1967. …
L’aménagement approuvé par un arrêté ministériel du 23 Mars 1971 tenant compte de ces considérations écologiques et de la conjoncture économique distingue trois séries épargnées par les défricheurs du Moyen Age. La forêt de Bercé n’a donc pas en définitif beaucoup changé d’aspect depuis que nous en connaissons l’histoire.
Cette stabilité nous permet d’admirer les magnifiques futaies de la série feuillue.
Les seuls changements importants ont été ceux résultant des efforts déployés par de nombreuses générations de forestiers pour tenter de reconquérir plus de l 500 ha de landes et de vides. Ces changements ont été réalisés avec plus ou moins de bonheur, mais ils ont eu le mérite d’exister et de nous laisser une forêt constituée malgré les incendies et autres catastrophes. Il n’en reste pas moins qu’avec sa très belle série feuillue, dont la révolution n’a cessé d’être allongée au cours des temps, Bercé demeure et demeurera longtemps encore un des plus brillants fleurons de la forêt Française. Le renouveau de la sylviculture passe par la méthode dite des arbres d’avenir.
D’autre part, l’aménagement de cette période profite au réseau routier, qui bénéficie du goudronnage.
1987-2006 - Septième aménagement
Les règles de culture sont plus dynamiques, grâce à des éclaircies plus précoces et fortes.
Les nouvelle technologies arrivent, cartes satellite, micro informatique, géolocalisation, etc….Les matériels évoluent, devenant plus ergonomiques. Les forts changements climatiques incitent les forestiers à abaisser artificiellement la hauteur des arbres, en évitant une concurrence trop sévère.
À terme la forêt devrait produire des chênes de gros diamètre susceptibles de fournir une proportion plus importante de bois propres au tranchage.
2007 - 2026 : Huitième aménagement
Il n’y a plus désormais qu’une série unique. Les productions évoluent et le merrain (barrique) remplace désormais le placage (meuble). La fréquence des désordres climatiques est prise en compte. Aux objectifs de production, se superposent depuis le dernier aménagement des objectifs de loisirs. La forêt a fait l’objet de nombreux équipements facilitant les déplacements et l’accueil fort appréciés : routes goudronnées, parkings, tables de pique-nique, abris rustiques, signalétique et balisage etc. La chasse y est adjugée et un certain nombre de Sarthois goûtent les joies de ce sport. Les chasses à courre, attirent une assistance nombreuse et fidèle.
La pilule amère de cet aménagement est sans conteste la régénération du lieu mythique de l’Hermitière.
Si elle est inéluctable, elle aura pourtant été réfléchie et concertée. Les générations précédentes, n’avaient pas pris la mesure de la sous-exploitation du potentiel de cette parcelle. Campée sur un sol riche et profond, l’Hermitière recèle en son sein, les plus grandes hauteurs jamais enregistrées sur des chênes… (50 m et plus!). La trop grande proportion de hêtres présents, n’a fait que précipiter le mouvement de cette régénération. Ceux-ci arrivent à 180 ans passés, nécrosés, champignonnés voir déstabilisés dans les pentes raides de la vallée, par des vents hurlants de plus en plus forts. La catastrophe est bientôt annoncée. L’eau, de plus en plus présente après les drainages agricoles du plateau versant, ravine à tour de bras le lit du ruisseau, déracinant ça et là quelques mastodontes au frêle enracinement traçant.
Autre sujet polémique qui hante les esprits, à l’heure ou la révolution passe de 240 à 180 ans. Une étude de “Nature” (2014) contredit le postulat selon lequel les vieux arbres contribueraient moins à la lutte contre le réchauffement climatique… Or plus un arbre est vieux, gros et vivant, plus il absorbe du CO2. La forêt vit, évolue et meurt, mais elle renaît toujours plus belle.
Laissons les jeunes générations forestières gérer celle-ci, pour le bien commun en leur faisant confiance.
Depuis, l’Office National des Forêts, s’efforce de gérer la forêt de Bercé de la manière la plus rationnelle possible afin de conserver l’un des plus beaux fleurons du patrimoine forestier français.
Maintenant que les bateaux sont construits en fer, la forêt ne fournit plus de bois de marine. La saboterie, qui a faisait vivre localement une population très importante, n’est plus qu’un souvenir que Carnuta, la maison de l’Homme et de la forêt, entretient à Jupilles.
Aujourd’hui, le bois d’œuvre de chêne a acquis une réputation mondiale, peu d’aubier, grain fin, belle couleur claire, qui le fait rechercher pour l’ébénisterie, le tranchage (fabrication de placage de moins de un millimètre d’épaisseur). Mais depuis quelques temps c’est la tonnellerie qui lui redonne à nouveau, ses lettres de noblesse.
Autres liens concernant les moyens d’exploitation de Bercé
Bibliographie :
(1) R. Potel, avril 1923-1924 - Bulletin de la Société d’agriculture, des sciences et des arts de la Sarthe – fascicule 1 Tome 49.
(2) Rapports et correspondances du commissaire du directoire exécutif au commissaire centrale de la Sarthe sur la situation morale, politique et militaire du canton de Château-du-Loir L 250 (liasse de 340 pièces, papier). 1796 -1800 (minutes des arrêtés du directoire.)
(3) Henri Hoyau - À l’expiration de la troisième période (1912 - 1947)
Bercé, une forêt d’exception (Y. Gouchet - 2018)