DES SECRETS BIEN GARDÉS
Les aléas climatiques
A propos
La hauteur des sources, l’absence de glandée ou de faînée, les plaies sur les arbres, l’importance des récoltes de champignons, l’arrivée ou le départ de la faune sont autant de signes qui nous renseignent sur les aléas climatiques. Mais me direz-vous : « Ce sont des trucs de grand’mère… » Oui, mais ils se sont toujours vérifiés.
Les oies qui remontent début février, annoncent toujours à grand coup d’ailes un changement de saison.
Quand les oies r’montent, au cul la ponte
Fin mars début avril le coucou nous enchante et vers le 15 de ce mois les arbres se parent de leur atouts printaniers.
À la saint-Marc vers le 25 avril, la mouche de mai batifole avec Mikiola fagi.
La cécidomyie ou galle du hêtre,
est une espèce d'insectes diptères
nématocères dont la larve produit
une petite galle pointue en forme
de pépin d'orange (Mikiola-fagi
pond sur la feuille du hêtre qui réagit
ainsi à la piqure de l’insecte).
À l'approche de l'hiver, les galles
se détachent et les larves continuent
leur métamorphose au sol avant
leur sortie et leur envol au
printemps suivant.
Au début de l’été les orchidées nous ravissent sur les accotements.
En septembre « pourtant comment s’imaginer, en voyant un vol d’hirondelles que l’automne vient d’arriver ».
Les oies qui émigrent fin octobre, la chute des feuilles début novembre ne font que confirmer le retour de l’hiver.
Le vent, (voir le chapitre dédié) est avec le feu et l’eau un des plus grands fléaux. Mais la prolifération des insectes ou des champignons peut créer aussi des grands désordres.
1843
Le procès verbal d’Aménagement de 1843 stipule que les dégâts des limaces et grillons sont inexistants contrairement à la rumeur qui s’est un temps répandue.
1876 :
Dès 1876, les forestiers recensent l’importance et la fréquence des brouillards et des gelées quelquefois bien tardives : les gelées de printemps brûlant régulièrement les fonds frais.
Le temps trop doux pouvant par contre favoriser l’invasion des chenilles ou de quelques hôtes indésirables : (des centaines de kilos de hannetons sont ramassés en mai 1890).
On détruit toujours le hanneton en 1962. (capture en mai 1962 à l’aide de caisses pièges) l’adulte apparaît entre avril et juin et la larve ou vers blanc vit sous terre pendant 3 ans.
1894 :
Recherche de Lasiocampe du pin sylvestre (Il s’agit du bombyx du pin sylvestre). La chenille crée ces fameux cocons avant de redescendre des arbres fin octobre pour hiverner au sol dans la mousse.
(Les Lasiocampes sont connus sous
la dénomination de Feuilles mortes,
à cause des ailes de plusieurs d'entre eux,
et principalement de celles du type du genre,
le Lasiocampe Feuille morte {Lasiocampa
quercifolia, Lin.), dont les ailes dentelées,
d'un brun ferrugineux, semblent mériter ce nom).
En 1911 :
Réapparition en 1939 et 1943 du Dyorictria Splendinella (ponte de papillons donnant lieu à des déformations du tronc sur les pins sylvestres). Jusque dans les années 1990 on purgera les pins malades.
Échenillage des Processionnaires du Pin, brûlage des nids, et en mars 1951, 1954 et 1962.
Très récemment plusieurs centaines d’hectares avaient été impactés par la présence de Tortrix Viridana, la Tordeuse verte du chêne, défoliant les cimes qui venaient juste de se parer de leurs feuilles.
Champignons
1971
Suite à l’apparition de la maladie du rond sur certaines parcelles l’on ouvre des fossés à la pelleteuse autour des îlots de pins malades. Sournoisement le mycélium infecte le sous sol, puis pénètre les racines des arbres empêchant toute circulation de sève.
En janvier 2023,
dans la parcelle 41,
on prévoit l'avenir en remplaçant
sur 3 hectares le Pin maritime
malade par du chêne sessile de
Gascogne et du chêne pubescent.
Le temps doux et humide est propice aux invasions d’insectes et de champignons lignivores tel le Bostryche qui se développe par le système racinaire du pin maritime.
Le froid et la neige
L’hiver 1878-1879 fut rude:
Neige et verglas occasionnent de gros dégâts sur les cimes des pins sylvestres. Durant 1 an, les cessionnaires fabriqueront ces têtes dans les parcelles 258 et 260. (E. Crossonneau).
Les pins maritimes de cette époque ayant tous été détruits au cours de l’hiver 1879-1880 n’ont pas laissé subsister de traces jusqu’à nous, mais il est certain, à la lecture des aménagements, que la plupart des semis de pin maritime avaient réussi. (R. Viney)
La grêle accompagne aussi parfois le tonnerre, compromettant la venue des fleurs ou des fruits.
Certains hivers les chutes de neiges sont très importantes ;
16 janvier 1926, la neige empêche les auxiliaires de travailler. Le martelage aux Hospices du Mans, le 23 mars, est aussi perturbé. Toute cette neige accumulée induira des chablis en avril 1926. En 1929, début janvier la neige épaisse, (tempêtes d’une rare violence) rendra la circulation sur Bercé extrêmement difficile jusqu’au 14 février.
Effets du froid sur la végétation Sarthoise pendant l’hiver de 1938-1939
Par Max Blais
Si l'on veut appeler grand hiver, un hiver rude et de longue durée,comme ceux :
de 1788-1789 (86 jours de gelée et température minima de — 21°) ;
de 1829-1830 (76 jours de gelée et — 17°) ;
de 1879-1880 (78 jours de gel et — 25°),
l'hiver que nous venons de subir,
avec ses dix jours de gelée consécutifs et son minimum au Mans de — 13°8,
serait un hiver sans histoire, comme tant d'autres.
Mais, à considérer les dégâts énormes causés par le froid
du 18 au 28 décembre 1938 il peut s'apparenter sous ce rapport
avec les grands hivers.
Il se présente d'une façon tout à fait anormale et son
caractère de soudaineté explique les désastres culturaux dont
nous allons dresser l'inventaire.
La première quinzaine du mois de décembre fut chaude ;
le 11 décembre nous relevons un maximum de 14°2 ;
à la date du 16, le thermomètre enregistre encore 8°4.
Après un automne doux et humide, succédant à une période sèche,
la végétation est devenue luxuriante, les tissus sont gonflés de sève,
lorsque, brutalement, la température se refroidit et les gels passent
à — 6°, à — 11°, pour atteindre — l3°8 le 21 décembre.
Songez au passage sans transition d'un état végétatif puissant
à un arrêt brusque de la vie, avec un écart de température de plus de 20°.
En février 1942, c’est neige et verglas. « Il y a des dégâts dans les pins maritimes et du bois tombé. »
Le 24 février le docteur Barot bute avec sa voiture sur un pin tombé sur la route : il est blessé.
Neige aussi tout le mois de janvier 1945, et verglas par la suite.
Le 1er mars 1946 il y a tellement de neige (tempête) qu’il est impossible de se déplacer.
En février 1954 le bois craque et se fend par le gel. Les températures atteignent moins 20°C.
Les dégâts collatéraux :
13 février 1956 : Louis Goenvec devant effectuer une
battue aux lapins, doit abandonner son Solex à la Croix-Chambault,
étant bloqué par la neige. Retour à pied par Jupilles.
23 février 1956 : « De retour des Étangs, la roue libre du Solex
s’est cassée sous l’effet dévastateur du gel. »
Avec le goudronnage des routes, le manège des barrières de dégel commence. Elles sont souvent déplacées, et c’est souvent, en réaction de ces incivilités que le service forestier abat carrément un arbre en travers de la route.
25 février 1963 : sur l’article 39, un éhouppeur a brisé sa hache sur le bois gelé.
12 au 18 février 1978, vingt centimètres de neige marqueront le sol, occasionnant par la suite inondations et chablis.
23 mars 1978 : grêle et neige qui reviennent à nouveau le 11 avril. « …brouillards de mars… frimes de mai. »
En janvier et février 1985 la température descend en dessous de -20° les arbres claquent comme des coups de fusil. Plus tard, ils développeront un bourrelet cicatriciel qui protégera une fente indélébile.
En 1986, le 23 février, 30 cm de neige bloquent toute vie en forêt. Tracteurs et voitures s’en vont aux fossés.
Phénomène rare : la pluie verglaçante du 13 janvier 1997…un épisode rare… mais intense !
Les hivers 2010 et 2011 amèneront aussi de la neige à foison.
La pluie :
« Si d’Lucé, t’entends Pruillé,… ça va mouiller ! »
17 et 24 juin 1727 des orages de pluie et de grêle dévastent les cultures de blé et de chanvre sur Saint-Vincent et Saint-Pierre.
29 mai 1928 : Deux siècles plus tard, " L’après midi vers 7h 45, un orage d’une rare violence s’est abattu sur la forêt de Bercé. La pluie tombant à verse pendant 1h 45 a profondément raviné les routes forestières. Les routes de l’Hermitière, de la vallée des Pierres, sont les plus endommagées."
Le pont de la route basse de l’Hermitière a été partiellement emporté. Les fossés bordiers de la route haute sont creusés par place jusqu’à 1,50 m de profondeur. Les berges et les accotements sont profondément ravinés. Cinquante à soixante mètres cubes de graviers de pierres et de détritus de toutes sortes se sont accumulés sur le terre-plein de l’Hermitière.
Les ponceaux, construits par BIGNON pour l’exploitation de son commerce ont été emportés par les eaux. »
11 décembre 1928 (Ouest Éclair)
Dimanche l’orage fut si violent que du côté de Jupilles,
en forêt de Bercé, certaines routes étaient devenues des
ruisseaux, l'eau atteignant en certains endroits une
hauteur de vingt centimètres Il n'y a pas de gros dégâts
dans la région : de nombreux arbres seulement ont été déracinés.
Le secteur électrique a subi quelques avaries occasionnant des
pannes. La rivière Le Loir est en pleine crue, couvrant de chaque
côté de son lit de nombreux hectares de terrain. Toute la journée
de lundi, le vent souffla avec une grande violence et la pluie
ne cessa de tomber.
4 janvier 1988 à l’Hermitière deux ponts sur trois sont emportés, puis les sources retrouvent leur niveau.
C’est en 2000 qu’un effondrement karstique de 4 m s’est produit dans la parcelle 199 dans l’axe de la piste VTT.
Nous sommes dans la vallée des Vieux Puits, dans laquelle d’autres anciens trous préexistent.
Les hauteurs maximales seront enregistrées durant l’hiver 2000-2001, avec des cotes d’alerte partout. À l’Hermitière tous les ponts sauteront, l’eau arrivera à détruire l’emplacement des sources dépassant le muret du puits. Les courts-si-il-pleut débordent et des sources jailliront en des endroits ou on ne les avait jamais vues.
Les fontaines froides de Sermaize quant à elles, n’arrivent plus à entonner.
Depuis quelques années, la sècheresse pointe son nez, contraignant notre massif à suivre un régime drastique !
Voici les valeurs relevées de 1994 à 2023 sur le flanc est de Bercé.
Ce déficit de pluviométrie impacte directement le Hêtre, surtout lorsqu’il est à l’étage dominant. Le changement climatique le touche au plus profond au plus profond de son “être” lui qui a une écorce toute fine et un enracinement très superficiel.
La sécheresse :
Les sécheresses sont aussi omniprésentes et succèdent aux périodes humides, comme des déferlantes, suivant le cycle solaire. Elles sont avec les orages une des causes principales des incendies.
En septembre 1911, puis en août 1921 et 1928 l’état de sécheresse persistant met à mal l’agriculture. Des autorisations d’extraire les herbes, fougères, bruyères, mousses, de mener les bestiaux au parcours en forêt sont données répondant ainsi à la détresse des éleveurs.
La sécheresse de 1953 est telle que le point d’eau de Sermaize est presque tari.
En 1959, et de 1973 à 1983 : état de sécheresse relative.
Faible hygrométrie en 1995 et 1996. 1990, 1994, 1997 et 2013 sont les 4 années les plus chaudes depuis 100 ans. 2011 cumule un déficit annuel des précipitations de 225 mm sur une moyenne espérée de 813 mm. 2014 : courbe des moyennes des températures en hausse.
Le réchauffement climatique actuel met à mal notre forêt, particulièrement en 2022/2023. Aussi, en 2023, l’O.N.F. anticipe-t-il la raréfaction de l’eau en établissant dans toutes les forêts du département, des plantations comparatives de chênes sessiles (comme à Bercé), pubescents (régions méditerranéennes), Zéens (Algérie), de séquoias toujours verts (Amérique du nord), de pins de Brutie (Turquie) ou de robiniers faux acacias (Amérique du Nord).
L’O.N.F. et les pompiers intensifient aussi la surveillance des incendies.
La foudre :
« Les fourmis sont d’sortie, l’orage aussi. »
La parcelle du chêne Boppe raconte : Le feu céleste a été envoyé le 18 décembre 1934 sous forme d’orage pour tuer le chêne Boppe. Vers 15 heures, un coup de tonnerre formidable déchirait l’air et 18 éclairs descendaient du ciel : trois frappèrent le chêne Boppe et me secouèrent, quinze autres foudroyèrent ensemble 15 chênes d’une de mes parcelles voisines. (Mémoires recueillies par R. Viney).
Tous ces débris de bois déchiquetés à terre…. on aurait dit de la neige, confiera l’agent du triage.
En 1939 quelques orages éclatent, plusieurs chênes sont frappés par la foudre dans le canton du Sault-Moulin, ainsi que, fait assez rare, un hêtre du canton des Forges.
La foudre cause un incendie dans la Tasse le 2 juillet 1943 (parcelle 25).
Dans les années 80, un paratonnerre est monté à la M.F. de la Huberdière suite au coup de foudre qui traversa de part en part l’imposte de la porte du bureau.
La Huberdière est l’endroit de la forêt où l’on rencontre le plus de hautes fourmilières….dont acte !
Serait-ce un endroit propice à l’émergence de nœuds telluriques terrestres tels ceux du fameux réseau de Hartmann ?
Depuis 1992, Bercé possède une station météo grâce au programme « RENECOFOR » : (réseau national des écosystèmes forestiers).
Elle enregistre ces évènements climatiques exceptionnels ou non qui participent activement à la vie ou à la mort de nos forêts.
Là…. Nous ne sommes plus dans l’ère de « l’a peu près…».
Le changement climatique est bien présent
Le site « Conséquences » souhaite partir de la réalité locale et de la manière dont les événements de plus en plus ravageurs touchent nos territoires pour mieux comprendre comment préserver et faire évoluer notre quotidien. Julien Helaine m’interroge ici sur les conséquences des changements climatiques durant ma vie passée en forêt.
https://consequences-france.org/
A l’écoute de 3 Forêts d’Exception
Bercé, Tronçais et la Sainte-Baume
Rejoindre la page facebook : https://www.facebook.com/profile.php?id=61553948515823
(Prise de vue : Julien Helaine - Conséquences /novembre 2023)
Autres liens concernant les redoutables épreuves de la nature
Bibliographie :
Archives et vieux registres journaliers de l’administration des Eaux et forêts, annotés par les préposés.
Revue Au Fil du Temps N° 56 & 57 Pages diverses (Y. Gouchet - 07 & 10 -2012)