DES SECRETS BIEN GARDÉS
Guerre de 1870
A propos
Les chasseurs forestiers
Rétrospective
Charles V avait réuni en 1376 tous les règlements jusque-là épars sur le “fait des forêts” en un premier code forestier qui ne sera réformé qu’en 1827.
Les Eaux et forêts constituent l’une des plus anciennes institutions administratives françaises et le corps des agents forestiers s’enorgueillit de posséder la plus vieille tradition qui soit au monde dans ce domaine.
Les verdiers avaient la responsabilité d’une portion de territoire nommée verderie, et avaient comme subordonnés des gruyers, que l’on appellerait aujourd’hui gardes forestiers, ayant compétence sur une gruerie.
Sous la révolution, les maîtres des Eaux et forêts devinrent conservateurs des eaux et forêts et inspecteurs des forêts après avoir été directeurs des domaines pendant la Restauration. En 1811, si l’empereur Napoléon s’irrite des écarts de gestion de certains fonctionnaires des forêts, il tient les forestiers, en général, en haute estime et voit rapidement l’intérêt à les utiliser militairement en les incorporant au sein de sa Garde, dans une unité créée tout spécialement pour eux :
Les Flanqueurs-Chasseurs
Un premier régiment est levé en 1811. Composé de jeunes gens de 18 à 30 ans, fils ou neveux de gardes-généraux et de gardes à pied et à cheval des forêts de la couronne, du domaine ou des communes de l’empire.
Ils doivent être d’une bonne constitution, mesurer au moins un mètre six cent soixante dix huit et avoir tenu constamment une bonne conduite
Ce nouveau régiment est administré par les chasseurs à pied.
Pour accroître leur compétence et celle de leurs collaborateurs, Louis XVIII créa en 1824, à Nancy, l’école forestière.
En 1831, les forestiers furent organisés militairement sous le nom de “Guides de l’Administration forestière”.
Un ordre relatif, arriva avec le second empire, différenciant cependant le forestier “lambda” du forestier de la “Couronne” (liste civile de l’empereur).
Début 19ème, Napoléon dote les forestiers d’un sabre “briquet”.
Comme partout en France on s’équipe en conséquence pour organiser
cette défense passive : pour ce faire, les gardes généraux
et inspecteurs adjoints encadrent les chasseurs forestiers.
Des revues d’armement ont lieu périodiquement pour présenter
aux officiers forestiers le bon état d’entretien du matériel
et la condition physique des hommes.
« Tout garde quittant son poste, y laissera ses munitions
et son manuel sur le montage et démontage des armes comme
il y laisse déjà sa plaque et son marteau. »
Les forestiers de Bercé étaient présents aux cérémonies du Té Deum
Comme en ce 15 août 1868 à Thoiré.
L’annonce de chaque victoire de Napoléon était célébrée
par de majestueux Te Deum.
« … Étonnez-vous donc, après tout ça, que les Évêques aient
chanté le Te Deum pour Napoléon III ;
l'homme couvert de sang ne leur déplait pas ;
c'est peut-être même à cela qu'ils reconnaissent le favori de Dieu. » (1)
C’est tout naturellement dans cet esprit qu’après
l’improvisation de 1870 les forestiers firent
pression pour obtenir un véritable statut militaire
et que leur école en fut la préceptrice.
« La guerre soudaine de 1870 fait prendre conscience aux
forestiers français de l’utilité d’une défense passive. »
…«Il ne suffit pas de décider de la formation d’une troupe...
il faut encore nettement définir son rôle, il faut que tous
se préparent en temps de paix à le remplir en temps de guerre.» (2)
1870 des forestiers au siège de Paris
Nos valeureux combattants forestiers, recevront tous, Honneurs
et médailles et en particulier un forestier de Bercé
(voir Heintz aux Boussions).
Les chasseurs forestiers
19 septembre 1870 - 28 janvier 1871, par le passé, (y compris sous la révolution, en 1792), forestiers, gardes-chasse et braconniers composaient le “Corps Franc de Chasseurs”.
Les premiers uniformes dessinés et prescrits le furent sous le Ier empire, mais restèrent sur le papier. Auparavant, seule la plaque « forêt » réunissait les troupes et encore fallut-il compter, y compris sous la restauration, avec un certain folklore local !
19 juillet 1870, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse.
09 août 1870, décret impérial mobilisant les forestiers de la région frontière de l’Est.
15 août 1870, décret impérial mobilisant les forestiers de l’Ain à la Seine.
28 août 1870, décret impérial mobilisant
les forestiers de la Couronne (domaine Impérial):
constitués en unité le 3 septembre 1870,
ces 33 officiers et 322 hommes (soit deux
compagnies), firent le coup de feu contre les
éclaireurs prussiens en forêts de Compiègne,
Fontainebleau, St Germain en Laye, etc.
Que dit le décret du 28 août 1870 ?
Napoléon, par la grâce de Dieu et la volonté nationale,
Empereur des Français.
A tous, présents et à venir, salut. Vu l'ordonnance royale
du 21 août 1831, avons décrété et décrétons ce qui suit:
Art 1 : Les agents et gardes, domaniaux et communaux des forêts,
sont mis à la disposition du ministre de la Guerre, dans tous
les départements de l'Empire, aux conditions déterminées.
Art 2 : Nos ministres de la Guerre et des Finances sont chargés
de l'exécution du présent décret.
Fait en Conseil des Ministres,
Au Palais des Tuileries, ce 28 août 1870.
Eugenie. Par l'Impératrice régente.
Le ministre de la Guerre, Comte de Palikao.
Le ministre des Finances,
P. Magne.
Ils furent incorporés au régiment des gardes forestiers le 4 novembre 1870.
Le 29 août 1870, à la demande du ministre de la Guerre, le directeur général des Eaux et Forêts, Monsieur Faré, décide la mise sur pied d’un régiment de gardes forestiers à effectif théorique de 1200 hommes, pour renforcer la place de Paris.
Ce régiment est armé le 4 septembre 1870 puis licencié le 5 mars 1871 (soit 6 mois plus tard).
Armement de la troupe :
fusil chassepot et sabre-baïonnette.
- Les officiers perçoivent une prime d’entrée en campagne de 300 F
- et 100 F par mois. Les sous-officiers: 1F50 par jour.
- Les gardes: 1F25 par jour.
- Les sous-officiers et les clairons perçoivent une prime de 50 F payable pour moitié en début de campagne, pour moitié en fin de campagne. Les frais de voyage sont pris en charge par l’administration. Le ministre de la Guerre fournit le pain et le bois de cuisson.
- Composition :
- 12 compagnies actives
- 1 compagnie de tirailleurs
- 1 compagnie de dépôt
Le Lycée Louis Le Grand est transformé en un cantonnement pour la formation.
Le siège de Paris
Des détachements furent envoyés dans les bois de Meudon,
pour participer à l'abattage des bois nécessaires
aux ouvrages de défense.
Le régiment prend sa part des postes et du service de place.
A compter du 19 septembre 1870, il est affecté au 6ème
secteur dit du *« Point du Jour »* (Auteuil).
Le régiment occupe la ligne de défense de la Porte Dauphine
à la Porte de Billancourt, le Pont de Sèvres, le Pont
de St Cloud, le Bois de Boulogne.
Et pendant ce temps tout autour de Bercé:
Pendant la guerre franco-allemande de 1870, la forêt de Bercé a été le théâtre de diverses activités militaires. Elle a servi de zone de repli pour les troupes françaises et a également été utilisée par les Prussiens pour l’approvisionnement en bois et en matériaux.
La forêt a donc joué un rôle stratégique pendant cette période.
Le garde Benoni Ernult (Benoni signifiant en hébreux: fils de douleur), est en poste à la M.F. des Profonds-Vaux. Il prend part au siège de Paris du 30 août 1870 au 9 mars 1871.
Notes du garde Ernult dans son livret journalier,
le 15 août 1870 :
Assomption: Le matin je suis allé à Luceau chez un créancier du
cantonnier Venot lui demander si ce dernier l’a payé.
Je suis allé à la Messe à Beaumont et j’ai assisté et pris part
aux prières qui ont été faites pour le succès de nos armes sur
les Bords du Rhin.
Le soir repos.
Le 29 août 1870 :
*"Communiqué l’ordre de départ pour aller
concourir à la défense de Paris. Rendez-vous général
à Ecommoy, demain matin à 8h30 pour monter de là
au Mans par le 1er Train."*
Le 17 septembre 1870 :
Son collègue Brossard (MF de la Tasse)
remet à la femme du garde Ernult,
le mandat de traitement de son Mari pour le mois d’Août 1870.
Le 23 septembre 1870
L'ennemi arrive à Chartres.
Le Village de Marçon :
Ruiné par le passage des troupes françaises
et allemandes, n’ayant pas pu fournir les réquisitions
en nature est imposé à 900F/jour.
Le 8 janvier 1871 :
L’ennemi est à proximité de l’Étangsort et de la Veuve.
Le 9 janvier 1871 :
Combat sur une longue ligne s’étendant de Connerré à Château du loir.
La lutte est particulièrement vive à Montreuil le Henri,
Brives près de Courdemanche et Chahaignes ou «Un Prussien est, dit-on,
enterré sur la commune, près de la cave à Guédé dans le taillis.».
L’action
11 janvier 1871 : la Bataille du Mans est perdue. Les prussiens entrent dans le Mans le 12 janvier après-midi. Le Duc de Mecklembourg, artisan de la bataille du Mans, commandant le XIIIème Corps Allemand, occupe le Château de Montmirail.
C’est la bataille de Changé en janvier 1871
On trouve après son départ, des immondices jusqu’au milieu du grand salon.
Aussi c’est avec raison qu’on a pu dire qu’après l’invasion des Wisigoths et celle des Ostrogoths, la France eut à subir celle des Saligauds.
Le garde Benoni Ernult revient malade et affaibli de ce blocus. Il raconte :
L’Armistice a lieu le 27 janvier 1871.
Il neigera le 28 !
Après l’armistice qui imposa, comme condition, le désarmement de l’Armée de Paris, le régiment des forestiers conserva son armement jusqu’à son licenciement, le 5 mars 1871.
A son retour sur Bercé, Benoni Ernult recherche des coupes à asseoir (à proposer) pour l’exercice 1871.
*Visite le reste du Canton de la Guiltière dans lequel le 11 Avril 1871,
j’ai remarqué beaucoup de souches de délits faits pendant mon
absence et à la reconnaissance desquelles je me propose de
procéder aussitôt que le service et ma santé me le permettront.
(Il a été extrait des bruyères sur environ 3 ha dans une régénération)
Guiltière parcelle B.*
Je suis rentré à mon poste le 9 mars 1871.
Ce même matin, j’ai été pris d’un malaise grave (une pleurésie)
qui ne m’a permis de reprendre sérieusement mon service que
le 10 Avril suivant.
Le retour du 33ème Mobile se fait en mars 1871, parti du Mans le 7 octobre 70. L’Abbé Charles Morancé en faisait partie.
Le 11 mars 1871 Déchéance de Napoléon III et de sa famille.
Révolte du 18 mars 1871 :
C’est la Commune de Paris.
Le 8 avril : “à Château du Loir pour consulter le Médecin qui me traite depuis le début de ma maladie.” 19 avril 1871 : Remise d’une note au Brigadier, de la dépense que m’a occasionnée la campagne de Paris. Le 28 avril 1871 : Malade toute la journée. Benoni cessera toute activité forestière le 1er mars 1891 avec le grade de “Garde général”. Il sera enterré le 27 juillet 1894 à Beaumont Pied de Bœuf.
Ah, ce siège de Paris! :
Coté Allemand : 10.000 tués et blessés, 2.000 disparus.
Coté Français : 16.000 tués et blessés, 8.000 disparus.
Une véritable boucherie.
Du général Trochu, chef du gouvernement
provisoire de défense nationale...
Victor Hugo dira de lui :
"Trochu, du verbe trop choir".
Henri Thénaisie témoigne :
*"Il n’y a pas eu, à ma connaissance d’exaction
en forêt durant la guerre de 70.
Cependant au niveau des Forges, à 100 m on voyait
les tranchées de la guerre de 1870.
Quand les Prussiens sont passés, ils ont vidé
le moulin des Follets (chez le Père Morisseau
...Moulin en activité jusqu’en 1927).
Sur Saint Pierre du Lorouer, par contre,
les combats furent acharnés (Saint Pierre
est le verrou naturel de la vallée de la Veuve)."*
Les enseignements de cette guerre.
Faisant l’analyse des combats de 1870, Lucien Chancerel, chef de bataillon dans l’infanterie territoriale et inspecteur des Eaux et Forêts (Le combat sous bois et les compagnies forestières, Ch. Lavauzelle, 1910) critique l’imprécision des cartes d’état-major. Le même auteur propose cette interprétation de la défaite :
*«Si nous avons été surpris en 1870 cela tient presque toujours
à ce que nous n’avons pas su reconnaître et occuper
les grands massifs boisés qui masquaient les mouvements de l’ennemi»*.
Et il donne comme exemple : “protéger une retraite comme celle du Mans, fin décembre 1870, derrière la forêt de Marchenoir."
Mais cette guerre si soudaine de 1870, fait prendre conscience aux forestiers français de l’utilité d’une défense passive.
Ce n’est qu’après guerre, en 1875 qu’ils devinrent “Chasseurs forestiers” et de fait, rattachés à l’infanterie.
Le décret du 2 avril 1875 incorpora le personnel forestier dans
la composition des forces militaires du pays en créant
les «compagnies, sections et détachements de chasseurs forestiers.»
L’instruction militaire fit ainsi son entrée à l’école forestière
de Nancy d’où les élèves sortaient avec le grade de sous-lieutenant,
directement affectés dans une unité de chasseurs forestiers.
L’armement, identique à celui de l’infanterie est fourni par
l’armée ainsi que les équipements (sacs, cartouchières, guêtres,
chaussures) et les matériels de campement.
L’uniforme est celui de l’administration forestière.
Les chasseurs forestiers sont classés parmi les
"troupes d’élite" et en portent les signes distinctifs.
Seuls les préposés de plus de 48 ans, sont maintenus à
leur poste pour la continuité du service, pour éviter
le pillage des forêts et remplir les missions d’information
et de guide que l’autorité militaire leur confie localement.
En 1882, un décret prévoit que « tout forestier stationné à moins de dix kilomètres d’un groupe fortifié entre dans la composition de la garnison de guerre de ce groupe.»
À partir de 1890, les élèves de l’École Forestière seront obligés de s’engager pour trois ans, dont un, dans une unité d’infanterie.
La médaille de la défaite
1870-1871 :
à peine un an de guerre… cloturé pr l’une des pires défaites de la France à cette époque.
1871-1911 :
40 années d’attente pour obtenir une médaille.
La loi instituant cette remise de médaille aux
valeureux combattants est promulguée le
9 novembre 1911 par le Président de la
République Armand Fallières, Joseph Caillaux
étant Président du Conseil ; près de 250.000
anciens combattants la recevront, accompagnée
d’un diplôme officiel des plus modestes.
*"Il est institué une médaille commémorative pour
les combattants de 1870-1871 qui justifieront,
par pièces authentiques (voir certificat de l’armée
de Paris), de leur présence sous les drapeaux
en France, en Algérie ou à bord des bâtiments
armés, entre le mois de juillet 1870 et le
mois de février 1871 inclus"*
Due au graveur Georges Lemaire, Elle est en bronze patiné et d’un diamètre de 30 mm. L’avers porte l’effigie de la République, tête à gauche, cuirassée et casquée à l’antique. Elle porte en exergue l’inscription “REPUBLIQUE FRANCAISE” et la signature de l’auteur. Le revers représente sous un drapeau une ancre de marine qui sert de centre à un trophée d’armes composé de canons, fusils avec leurs baïonnettes, sabres, épées et trompette. Un cartouche rectangulaire posé sur l’ensemble mentionne « Aux défenseurs de la Patrie » ; le tout surmonté des dates 1870-1871. Mademoiselle Fernande Dubois de l’Opéra-comique avait servi de modèle.
Le 20 octobre 1912, le garde Silvestre écrit sur son livret journalier: « Assisté à la remise des médailles de 1870 – 1871 à Ecommoy ».
Organisation des concours de tir à la cible :
La prochaine : 1914-1918
Bibliographie :
(1) Émile THIRION, La Politique au village,
p. 132, FISCHBACHER, 1896.
(2) Félix GRANDIDIER, 24ème promotion de 1848.
Revue Au Fil du Temps N° 58 & 59 des 01 & 04 - Pages diverses (Y. Gouchet - 2013)